A la fin du XXème siècle, le rock n’est plus vraiment le leader mondial de la musique. Depuis la mort de Kurt Cobain et de la décomposition du grunge en post-grunge, le rock s’est finalement fait récupéré par l’industrie du disque et s’est éparpillé en de multiples chapelles dans un underground qui reste encore un peu obscur de nos jours.
La britpop avait retardé un peu l’échéance en remettant au goût du jour 25 ans de tradition pop rock à l’anglaise. Mais la popularité du « genre » était sur la pente descendante et c’est finalement des styles tels que le hip hop et l’électro qui montent en puissance.
L’électro justement, le rock va tenter de s’y mêler à plusieurs reprises et de différentes manières. Il y aura la vague big beat bien sûr comme Prodigy, mais cela se fera aussi bien du côté des gros vendeurs de disques du rock alternatif (Smashing Pumpkins, Radiohead…) que chez des groupes à la notoriété plus modeste (All Natural Lemon & Lime Flavors, Broadcast…).
Par conséquent, que Suede cherche à se conformer à cette nouvelle mode ne peut pas surprendre. Ils ne l’ont jamais caché car ils ont toujours cherché à suivre les tendances. Couplée à leur fabuleuse inspiration mélodique, c’était cette démarche qui leur a permit de revenir à chaque fois avec une sortie essentielle et même de redevenir populaire.
Head Music ne fait donc pas de détails puisque cette fois-ci, le groupe plonge dans un bain électronique et n’hésite pas à utiliser les grands moyens pour y parvenir. Il fait appel au producteur Steve Osborne, dont ses travaux les plus notables sont sa participation au son du meilleur meilleur Happy Mondays, à certains singles de Curve et même au second Placebo ! Le bonhomme a donc eu l’occasion de se faire la main dans les meilleures conditions qui soient. On n’est justement pas déçu par le travail sur les arrangements de ce 4ème album des glameux britons : la production dance et downtempo du sieur est énorme. C’est sûrement ce qui a gêné les fans, car ce disque est considéré comme le début d’un déclin qui n’arrivera en réalité qu’après. Puisqu’à moins d’avoir détesté le racoleur Coming Up, comment peut-on rejeter un tel disque ?
Si Suede s’est très bien entouré pour avoir un son d’enfer, ses qualités de songwriting n’ont pas diminué. On y retrouve encore des tubes (« Electricity », « Everything Will Flow »…), des ballades déchirantes (« Down » et « He's Gone ») et des titres moins connus mais qui mériteraient de l’être plus (l’irrésistible « Asbestos », le technoïde « Head Music », l’inquiétant « Hi-Fi »…). Brett Anderson est toujours aussi passionné dans son chant (sa voix n’est plus aussi trafiquée qu’un vocoder de Daft Punk comme c’était le cas sur l’album précédent) et Richard Oakes n’a pas perdu de sa verve dans sa façon de balancer des riffs (avec bien entendu ce son acide qui n’appartient qu’à lui). En résumé, dans le fond cela reste du Suede classique mais avec toujours une écriture au top. Même si les paroles peuvent sembler plus superficielles que d’habitude (« She's in Fashion » qui est une chanson pourtant formidable !).
On n’aura certes quelques petites réserves sur deux exceptions qui annoncent discrètement la perte de créativité et de classe qui va frapper le gang. « Indian Strings » sort de l’ordinaire avec ses sonorités Indiennes mais se révèle monotone. Toutefois, le plus inquiétant est surtout « Elephant Man ». Probablement le refrain le plus pourri qu’ils aient écrit dans les années 1990. Dommage, car le riff énergique de Oakes n’est pas mauvais.
Est-ce suffisant pour ne pas réhabiliter cet album qui est à moitié renié par ses créateurs ? Sûrement pas ! Suede mute son néo glam en cyber glam et avec une réussite insolente. On frôle de près le coup de génie de Dog Man Star la faute à deux déchets. Ce qui n’empêche pas la bande de délivrer son dernier grand disque.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.