Amoureux de virtuosité, de technicité, passez votre chemin, Herzeleid n'est pas pour vous. Difficile de construire un album avec des riffs plus simples sans tomber dans le minimalisme volontaire, et pourtant ce ne sont pas les musiciens qui manquent chez Rammstein : deux guitaristes, un bassiste, un batteur, un claviériste et un chanteur. Mais voilà, c'est comme ça, ça ne va jamais chercher bien loin techniquement. Maintenant, en terme d'efficacité, c'est redoutable. En terme de personnalité aussi, même si on peut facilement penser à des groupes plus anciens, mais aussi moins connus aujourd'hui, de la Neue Deutsche Härte.
La production est particulièrement agressive, elle aiguise les guitares. Cependant, le mixage l'équilibre en rehaussant le son de la basse (simpliste elle aussi mais très bienvenue pour des petits solos occasionnels), et surtout la voix de stentor de Till Lindemann, qui est l'élément qui donne vraiment vie à l'album. Il est époustouflant par moment, et il met une intensité folle sur la fin de Laichzeit notamment. Le tempo est souvent soutenu (le batteur est bon d'ailleurs), parfois moins, créant un contraste sympa. Le claviériste est très bon aussi. Il aide beaucoup à créer la personnalité reconnaissable de chaque piste, et certaines de ses mélodies sont absolument folles et accrocheuses. Il est parfois plus en retrait, comme sur l'excellent Seemann, mais ajoute toujours un petit quelque chose qui double voire triple le charme des morceaux. Sinon, c'est de la Neue Deutsche Härte, donc c'est volontairement kitsch dans les sons, sombre, lascif, dramatique, théâtral même, et assez martial. La langue allemande (utilisée exclusivement) n'y est sûrement pas pour rien... Bien sûr, ça convoque des stéréotypes et des a priori dont ils ne sont pas responsables à mon avis, d'ailleurs ça n'a pas manqué puisqu'on les a attaqués pour tout et n'importe quoi à la sortie de l'album (la fameuse pochette aux allemands musclés, le roulement des « r » assimilé aux manières d'un certain dictateur...). N'empêche que dès 1995, Rammstein a un certain goût pour la provocation et la dénonciation.
Difficile de dire quels sont les meilleurs moments à mon sens. J'aime énormément Der Meister, pour ses mélodies de clavier notamment, Seemann pour son intensité, Laichzeit, ou la plus techno Du Riechst So Gut. Mais la majorité des morceaux sont sympas... Paradoxalement, la spontanéité de l'album n'a pas empêché qu'il m'a fallu quelques écoutes pour vraiment l'aimer. Depuis, c'est comme toujours entre Rammstein et moi, c'est chaque jour et sans lassitude…
(C'est marrant, j'ai toujours vu ce groupe comme un truc moyen pour ado, et aujourd'hui je les porte aux nues.)