Au rythme d'un ambiant groovy
Parmi les artistes des années 70 encore vivants, il y a ceux qui ont mal vieilli (allez Elton John, c'est gratuit) et quelques autre - plus rares - qui s'en sortent bien. Brian Eno est de ceux-là. Claviériste de la première mouture de Roxy Music, âme soeur de David Byrne et bienfaiteur des Talking Heads, pionnier de l'ambiant et accessoirement producteur de génie, le "non-musicien" Eno a une belle carrière lui. Il aurait pu s'arrêter il y a plus de 10 ans avec les honneurs. Mais, vous vous en doutez, il ne s'est jamais arrêté et il y a fort à parier qu'il ne s'arrêtera jamais. En cette année 2014, Brian semble avoir trouvé un nouveau compagnon d'infortune : Karl Hyde, l'ex-chanteur guitariste du groupe house Underworld.
Délaissant l'espace de cette collaboration l'ambiant qui fait depuis longtemps sa marque de fabrique (écouter à l'occasion le Lux de 2012, ça peut guérir le cancer il parait), Eno parait s'amuser comme un fou avec son poto Karl. La preuve : deux albums déjà parus en 2014, le deuxième meilleur que le premier - bon signe. Depuis sa production jusque dans la composition de certains morceaux, High Life ne manque pas de rappeler My Life In The Bush of Ghost, le sommet de la production Eno/Byrne, avec le Remain In Light des Talking Heads. À cet égard, "Time to Waste It" est troublante de parenté avec MLITBOG !
D'entrée, on comprend qu'avec High Life on est en présence de deux amoureux du son. La production est aux petits oignons, la texture des guitares (l'instrument dominant du disque) est à se damner et l'ambiance est parfaitement envoûtante. C'est la plus grande qualité de l'album et son plus grand défaut. Car là où le son est magnifique, les compositions restent... en suspens. Chaque morceau a une idée de base ; des guitares répétitives qui s'entremêlent jusqu'à l'extase, des assauts électriques en contrepoints, une rythmique venue du désert aux chants distordus, une mélodie à l'africaine répétée en boucle sur des chœurs bienheureux, etc... L'idée est posée dès le départ et on sait à quoi s'attendre pendant les 5 à 9 minutes du morceau. Au temps pour l'écriture !
Brian Eno est un petit malin, il ne sort de l'ambiant que pour mieux en appliquer les principes ailleurs. Et Hyde de le cautionner avec entrain. Fort heureusement, les deux gusses n'ont pas volé leur réputation, et ils savent garder l'auditeur en haleine jusqu'au bout grâce à leur maîtrise sonore. L'ambiant est bien là, en loucedé, les morceaux pourraient très bien ne jamais finir. Un peu comme cette collaboration, on croise les doigts car Eno semble y avoir trouvé une seconde jeunesse !