Hold Time
7.2
Hold Time

Album de M. Ward (2009)

Le nouvel album de l'éclectique guitariste alt-country M. Ward (et moitié du récent tandem She and Him en compagnie de Zooey Deschanel) n'a pas le charme immédiat de son prédécesseur, Post-War. Mais il est sans doute un meilleur album. Post-War démarrait par une pure merveille, Poison Cup, ballade néo-glam en apesanteur, avant de dérouler un réjouissant patchwork entre pop et roots-rock dont les titres les plus passe-partout ne servaient qu'à valoriser les sommets.Sur Hold time, point de pics qui se détachent, juste une succession constante et harmonieuse de collines. Comme une promenade oxygénée à travers les paysages d'une Amérique 50's de rêve bercée par le rock'n'roll lumineux de Buddy Holly (son Rave on est ici repris en version ouatée), les plages de l'album tendent toutes vers le même objectif annoncé dans son titre : suspendre le temps ou, plus précisément, renouer avec l'intemporalité d'une chanson rock aussi incarnée que légère comme l'air. Hold time séduit par la candeur et la fraîcheur qui l'irrigue et rassure plus qu'il ne surprend. Mais ce serait bien le seul reproche qu'on pourrait lui faire. Et qui ne justifierait en rien de bouder, entre autres, l'exquise reprise d'Oh lonesome me, la pépite country de Don Gibson, en duo avec l'impériale Lucinda Williams.HC
Hold time… A lui seul le titre proustien du sixième album de M Ward semble résumer le projet musical qui anime depuis huit ans ce musicien et songwriter basé à Portland : tenter de retenir le temps, le malaxer, l’étirer, et surtout trouver comment faire cohabiter dans ses chansons résurgences du passé, formes esthétiques éprouvées (country, rock, folk, surf, honky-tonk… tout un pan de la musique populaire américaine des cinquante dernières années) et expériences du présent. Car si les chansons de M Ward sont si précieuses, vitales, et s’incrustent durablement dans l’épiderme, c’est précisément parce qu’elles parviennent à mêler sentiment d’éternité, d’immédiatement connu, et intimité profonde, comme si il elles ne parlaient qu’à vous. “Je crois que tout est une combinaison entre du vieux et du neuf, explique Ward, avec ses yeux sombres, pénétrants. Je ne suis pas intéressé par le rétro, par la recréation du passé ou de formes de productions déjà éprouvées. Je pense juste qu’il est impossible de faire comme si le passé n’avait jamais existé et de prétendre créer quelque chose à partir de rien. L’important, c’est de parvenir à un équilibre qui semble bon et porteur de sens.” Faire sens, le musicien y est souvent parvenu : rien à jeter ou presque dans la discographie touffue de Matt Ward, qui ne cesse de s’imposer comme un des songwriters les plus doués et singuliers de sa génération. Depuis ses débuts solo en 1999 avec Duets For guitars, un album de country-folk longtemps resté confidentiel (réédité en 2000) sur lequel le jeune homme se cache derrière sa guitare et ose à peine poser son filet de voix à la Roy Orbison, il a enchaîné les albums brillants. Repéré par Howie Gelb de Giant Sand qui lui met le pied à l’étrier en 2000 en sortant Duet for Guitars 2 sur son label Own Ow Om Recordings et le fait jouer en première partie de Giant Sand, Ward n’explose artistiquement qu’en 2003 : sur Transfiguration of Vincent, il pose mieux sa voix, trouve ce son si particulier à mi-chemin entre échappées rétro et audaces plus contemporaines. Le disque, qui n’a pas pris une ride, aligne chef d’œuvres (Sad Sad Song, Vincent O’Brien) et reprises de haute volée (un Let’s dance de Bowie somptueux et tire-larmes). Après un honorable mais mineur Transistor Radio (2004), Ward frappe à nouveau très fort avec Post War, variation brillante sur les conflits et ravages – qu’on devine tout intérieurs. Parallèlement, le musicien dessine, avec ses nombreuses collaborations (The Decemberist, My Morning Jacket, Cat Power, Giant Sand, Howe Gelb, Neko Case, Grandaddy, Scout Niblett, Beth Orton, Norah Jones), la cartographie d’un nouveau paysage folk américain particulièrement vivace et passionnant. Pourtant, des deux côtés de l’Atlantique, Ward n’est toujours pas reconnu à la hauteur de son talent, même si sa collaboration avec l’actrice-chanteuse et it girl Zooey Deshanel l’an passé a contribué à attirer l’attention médiatique sur lui. Ensemble, Ward et Deschanel ont enregistré She & Him, un disque de chansons doucement rétro, chantées par Deschanel ou à deux voix, et produites par Ward. Une expérience très enrichissante qui l’a beaucoup inspiré au moment d’enregistrer Hold Time. “Grâce à She & Him, j’ai appris à beaucoup mieux utiliser les cordes et les orchestrations, explique-t-il. C’est très facile avec ce type d’instruments de tomber dans un trop plein émotionnel, de créer des ambiances trop tristes. Ce n’est pas un risque que je cours réellement avec une guitare. J’ai été particulièrement attentif à ne pas tomber dans cet écueil sur Hold Time.” Un pari remporté haut la main. Enregistré, comme les précédents à domicile sur un petit quatre-pistes avant d’être réenrengistrées en studio à Portland, Ohama et Los Angeles, le disque sonne comme la quintessence de ce qu’a produit Ward jusqu’ici. Car si l’on peut, à première écoute, se laisse abuser par ces chanson à l’évidence trompeuses et avoir l’impression que l'Américain se répète, Hold Time révèle au fil des écoutes sa perfection, sa grande subtilité. Bluffé par le traitement sonore, qui parvient à l’équilibre parfait entre cordes et lo-fi, émotions extrêmes et marivaudages (Lonesome Me, avec Lucinda Williams), on tombe à genoux devant le songwriting. Avec quelques bribes narratives, qui sonnent comme autant de possibles, Ward a ce don de déclencher chez l’auditeur un cinéma intérieur d’une rare puissance : un homme s’adressant à une femme dont “le comportement fut au-delà de l’entendement la nuit dernière” (Hold Time, plus beau titre du disque et déjà un des chefs d’œuvres de l’année), un oiseau qui tente de sortir de sa cage (la somptueuse ballade Jailbird). Et aussi beaucoup d’histoires de pêcheurs. Une figure qui lui fait-on remarquer, traverse toute sa discographie. “Je ne sais pas pourquoi j’aime autant les pêcheurs, répond M Ward, amusé. J’aime l’idée de cette simple tradition, ancestrale. Je pense qu’il y a beaucoup de similarités entre pêcher et écrire des chansons.” On s’incline sur toute la ligne. (Inrocks)
C’est pas tout le monde qui écrit l’une des plus belles chansons d’amour jamais entendues. Le genre de titre qui rappelle que le cœur e une mémoire, et que lorsque résonnent certaines notes, lorsque s’égrènent certaines paroles, il ne faut pas oublier de pleurer. Poison Cup, le morceau d’ouverture du précédent disque de M. Ward, était de cette veine (ouverte, forcément). Histoire de nous aider à ranger les couteaux, pour débuter son sixième Lp, le bonhomme à la plume de paon a choisi une entrée en matière moins dramatique. Les fourmillements d’accords de For Beginners, les chœurs aimants de Zooey Deschanel Gibbard sur Never Had Nobody Like You, la ritournelle qui tournoie en trombe Jailbird : en trois chansons initiales peuplées de tendresse, d’un swing irrésistible et de claquements de mains, le ton est donné. Et la messe est dite. Devenu l’un des points névralgiques du folk américain, M. Ward étend ici son omniscience avec l’efficience d’un maître d’armes sûr de son geste. Cette acoustique sépia, pure et simple, ce voltage vintage si particulier, à la fois léger et surpuissant, cette batterie qui vous prend la main et la gifle dans le même battement, ces mille doigts graciles qui pincent la corde en chopant l’âme au passage, ce chant à la sensualité spectrale… Les éléments s’assemblent avec une facilité désarmante, mais le mode d’emploi demeure dans la seule escarcelle de M. Ward. Aller à l’essentiel en empruntant les plus beaux et biscornus détours du monde, voilà le tour de force d’un songwriter supérieur qui s’ancre viscéralement dans la tradition des musiques en bois tout en nimbant chaque accord d’un singulier mystère. Materné par cette science de l’évitement salvateur, chaque morceau devient périple, du boogie woogie électrisé jusqu’à la moelle To Save Me, avec son balancement bastringue et les accents trognons de Jason Lytle, à la country crépusculaire de One Hundred Million Years ou Oh Lonesome Me (la slide à la barre et Lucinda Williams sur le pont) en passant par la sécheresse d’une Outro western. Et quand la rengaine élancée Rave On (où la surexcitante Zooey fait son comeback au milieu des cloches) se prélasse au sein d’un halo de chaleur, Stars Of Leo rajoute un rayon au soleil. Une géniale ritournelle à étages qui commence dans le dénuement d’une campagne normande avant de voir débarquer les guitares comme les Américains en juin 1944, pas peu fières de leur trouée euphorisante. L’intermède en suspension Hold Time, paré de nappes de violons qui louvoient comme des fantômes perdus, incarne lui la nostalgie avec une justesse rare et poignante. Le Poison Cup de ce nouveau disque peut-être, à moins qu’il ne s’agisse de Blake’s View, qui nous blottit dans son intimité avec une telle fragilité que le moindre craquement de voix ou de corde fait tressaillir l’attention. Voilà peut-être l’essentiel finalement : cette évidence de tous les instants, ces mélodies mystifiantes, cet instinct pop aussi naturel… qu’un besoin d’amour. On y revient encore, et on y reviendra toujours. (Magic)
Après une expérience très remarquée l'année dernière avec "She and Him", M. Ward nous revient avec "Hold Time". Le ton est donné dès la première chanson avec le petit coté désuet, suranné de "For Beginners". M. Ward chante à tue-tête "When you're absolute beginners, it's a panoramic view". Pour un néophyte comme moi qui découvre pour la première fois cet artiste, l'accueil est des plus chaleureux avec cette chanson de circonstance. Cette mélodie bien léchée qui colle aux tympans, cette voix enraillée et nasillarde parfaite pour accompagner ce folk léger et entêtant nous rappelant avec nostalgie les excellents The Go-Betweens, plante le décor. Au volant d'un pick-up nous voilà embarqués sur la route 66, dans les grands espaces maintes fois décrits par Jim Harisson ou Rick Bass. Nous traversons des villages-rue poussiéreux, longeons les frontières ne sachant trop où aller à l'image de Dean Moriarty, l'anti-héros Kerouacquien. Car ici, les routes sont sinueuses, les itinéraires multiples et l'inspiration de M. Ward traverse l'histoire de la musique américaine. Tous les fantômes sont là de Hank Williams à Johnny Cash en passant par John Lee Hooker. "Never Had Nobody Like You" en est la preuve. Ici c'est toute l'Amérique qui chante en 2 minutes 26. Après ces deux premiers titres sublimes, le doute s'installe. Un album entier de ce même tonneau semblait être une gageure mais tous les titres forment un patchwork de mille couleurs. Outre son excellent jeu de guitare, M. Ward a le don de créer des atmosphères très différentes d'un titre à l'autre. Le titre "Hold Time" bulle crépusculaire, petit hymne diligent est un bel exemple de dépouillement et de simplicité. Véritable tout-terrain M. Ward arpente les cimes pentues du folk-rock, de l'americana, avec un brin de voix un peu limité mais plus d'une corde à son arc. L'écriture est belle, tellurique allant à l'essentiel. A l'image d'un môme où d'un homme heureux, M. Ward s'émeut à voir les rivières couler, les pêcheurs à la ligne remonter d'énormes prises, gravit des montagnes, fait une halte, regarde au sommet et se remémore l'école primaire, le catéchisme, philosophe un peu sur "Blake's View" puis se sentant un peu seul sur "Oh Lonesome me" redescend doucement tout comme nous, enchantés par ce disque juste, sincère et humble.(Popnews)


Parce que M. Ward est un artiste dont on suit le talent depuis ses modestes débuts avec "Duet For Guitar #2", et que l'on se souvient encore de l’émotion ressentie lors de l’écoute de Poison Cup, le superbe morceau officiant en ouverture de "Post War", on se devait de répondre présent pour son nouveau disque, "Hold Time". Malgré la légère déception de sa collaboration avec Zooey Deschanel au sein du duo She & Him, ce disque était attendu avec impatience. En se faisant plus variée et en explorant quelques territoires de l’héritage rock et folk d’une certaine americana, l’écriture de M. Ward s’affirme avec classe et maîtrise sur cet excellent disque. La voix enrouée du songwriter, ainsi que sa guitare acoustique à la rythmique atypique et précise, sont au cœur des morceaux, apportant aux compositions de "Hold Time" une tonalité majoritairement folk, mais qui n’en demeurent pas moins riches et variées dans leurs arrangements lumineux. Car si "Post War" incarnait par moment quelques zones d’ombre, "Hold Time" est un disque rayonnant, positif, réconfortant ; un antidote presque idéal en ces temps moroses. Pour preuve, le magnifique For Beginners, avec son texte détaché, ce folk alerte se révèle une bien agréable façon de démarrer une journée. M. Ward veut décidément nous mettre de bonne humeur avec le catchy Never Had Nobody Like You, beau morceau de folk-rock où l’on retrouve Zooey Deschanel. Jailbird, plus calme, n’en constitue pas moins une suite logique à ce déferlement d’ondes positives qui seront calmées par la superbe orchestration mélancolique de Hold Time. M. Ward semble tellement heureux qu’il a fait venir de nombreux invités prestigieux sur son disque, comme Lucinda Williams sur la country lancinante de Oh Lonesome Me et Jason Lytle sur la pop très efficace de To Save Me."Hold Time" est donc un disque relâché, immédiat à l'écoute, et complexe dans son écriture et ses arrangements, prolongeant le songwriting simple et beau des autres albums de M. Ward. Et parce qu’elle accompagne nos tracasseries quotidiennes et les rend plus agréables à vivre, on risque d’avoir du mal à se passer de cette musique. (indiepoprock)
bisca
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le 6 avr. 2022

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