C’est marrant. A la réception de ce nouvel album de Matt Ward, je me voyais déjà écrire ma chronique en faisant sonner les trompettes du songwriter de génie injustement méconnu, du guitariste de talent ayant travaillé pour les plus grands (Cat power, Beth Orton, Bright eyes) sortant parallèlement des albums fameux devenus cultes. Ça c’était le début de l’argumentaire prévu début février. Entre temps, Matt Ward a fait la couverture de Magic, a eu un article élogieux dans le select (en nombre de pages restreints plus encore qu’en qualité musicale) Télérama, dans les faiseurs de mode Inrocks…En titillant un peu, on peut trouver cette nouvelle livraison un petit cran en dessous du précédent Post-war. Une petite ironie du destin au final assez commune… regardez Cat power. Mais passons… Mais Hold Time son septième album, l’Américain de Portland est en passe de connaître la renommée qu’il mérite dans la planète indie pop folk américaine. Une nouvelle réjouissante pour le mélomane, contrariante pour le critique obligé de changer en milieu du gué son fusil d’épaule. Dont acte. Si M.Ward a bel et bien une qualité, c’est la constance et son amour pour la musique Américaine des années 50 à 70 semble une fois de plus intacte. Plus que jamais, l’écoute de Hold Time devient vite une partie de plaisir devant un vieux juke box rutilant. On change les disques avec appétence, on passe d’un style à l’autre avec un plaisir similaire, on redécouvre de vieux standards oubliés. M.Ward, c’est à la fois un chanteur de charme de rock’n roll, un folk singer de feu de camps, un artiste de country plus vraie que nature et un pop singer amateur de mélodie ciselée. Tout cela en un seul album hétérogène mais totalement cohérent. Cet ancrage presque figée dans une musique au mieux vieille de 30 ans aurait pu être un boulet pour apprécier aujourd’hui la musique de Ward.
Fait à sa manière, cela devient plutôt une arme de légèreté et son atout majeur. En premier lieu car Ward fait de la musique avec une humilité déconcertante, reprenant toujours des titres d’autres sur ses albums avec un plaisir égal à ses propres compositions. L’Américain ne triche pas, ne tourne pas autour du pot et affiche clairement qui sont ces modèles. On découvre donc sa discographie idéale – et ô combien éclectique - album après album : le vieux chanteur de country Don Gibson, Les Beach boys, David Bowie, The Velvet Underground, Daniel Johnston. Sur Hold Time – qui aurait pu s’appeler Old time, signe encore plus certain que Ward essaye de retrouver les racines de sa musique, il reprend Buddy Holly, Franck Sinatra et le vieux chanteur de country Don Gibson. En vieillissant, Ward deviendrait-il encore plus nostalgique ? On peut se poser la question à fortiori après Post-War qui traitait – comme son nom l’indique – du traumatisme de la guerre en Irak. Transmission radio, cinquième album du bonhomme, était sous-titré « memories of utopian radio power », une citation encore valable ici où Ward se renferme dans cette Amérique mythifiée par sa musique et diffusée alors à la radio. Pourtant, on veut bien en reprendre une tranche : Ward a la voix parfaite pour ces climats un peu désuets, un souffle coulant sans accroc aucun jusqu’à vos tympans. Et puis, on ne peut pas dire que le gars ne sait pas écrire une (bonne) chanson. For beginners, en ouverture, prouve d’entrée la qualité de son compositeur. Et ces mélodies parfaitement concoctées rendent forcément universel le contenu musical. A chaque époque, on a toujours besoin d’un songwriter comme Matt Ward. Et ce n’est pas maintenant que cela va changer. Mais ça vous le saviez déjà, non ?