En avril 1999, deux adolescents entraient dans une école secondaire du Colorado et créaient une fusillade qui resterait dans les mémoires sous le nom de fusillade de Columbine : 13 morts et des dizaines de blessés suivis du suicide des auteurs du massacre. Les États-Unis sont en émois et cherchent une explication au geste des deux étudiants. L'une d'elles : la mauvaise influence de certains médias, et notamment de la musique "violente" telle celle d'Eminem ou de Marilyn Manson, qui seront beaucoup pointés du doigt par diverses associations.

Un an plus tard sort Holy Wood, quatrième album de Marilyn Manson qui annonce la couleur avec une pochette lourde de symbole le représentant en Christ dont on aurait arraché la mâchoire. Trois ans après un Mechanical Animals qui s'orientait vers une musique bien plus accessible en forme de pastiche des rock stars commerciales, M.M. revient donc à une esthétique noire et agressive style Antichrist Superstar et répond aux accusations par une fuite en avant ("When we were good, you just closed your eyes, so when we are bad, we'll scar your minds", The fight song).

Le problème, c'est que M.M. a gardé l'habitude de faire des tubes. Son propre bien que noir, refrains fédérateurs, les restes de Mechanical Animals contrecarrent les prétentions du groupe à retrouver son antéchrist qui souffre de la comparaison avec l'album de 1996 ; en témoigne le titre Disposable teens, qui copie la rythmique de The beautiful people sans atteindre son degré de noirceur. M.M. a aussi tendance à multiplier les plaintes larmoyantes et, emporté par son ambition de proposer un chef-d’œuvre de déviance, il enchaîne les morceaux qui se ressemblent et font office de remplissage pour allonger artificiellement la durée de l'album (19 titres tout de même).

C'est bien dommage, car il y a de bonnes idées sur ce Holy Wood. La première d'entre elles, c'est de faire un album en miroir de ce qu'il y a de plus sale dans les États-Unis : la mentalité de "peuple élu" garant de la paix qui cohabite avec une fascination malsaine pour les armes et les martyrs ("Do you love your gun? God? The governement? Fuck yeah!", The love song). En ce sens, l'album commence très bien et montre une fois de plus que ceux qui accusent Marilyn Manson d'inciter à la haine et à la violence ne connaissent pas bien l’œuvre de l'individu (pourtant, tout est dans le pseudonyme que s'est choisi Brian Warner). C'était aussi finalement malin de répondre à ces accusations en incluant des morceaux rock à la fois agressifs et fédérateurs et faciles d'accès, histoire d'incarner pour de bon le rôle du monstre qui séduit les jeunes qu'on voulait lui attribuer. Retenons dans cette veine The death song, The nobodies et The fight song. Ces trois là auraient suffi.

Malheureusement M.M. en fait trop, tire sur la corde, fait des fautes de goût (les "na na na" de Target audience par exemple) et se montre répétitif. On déplore aussi l'absence d'audace dans le rendu sonore ou la construction des morceaux, un peu comme si M.M. nous menaçait de viol mais mettait tellement de lubrifiant qu'on ne sentait rien. C'est d'ailleurs peut-être ce côté "Mechanical Animals en noir" qui a fait que beaucoup préfèrent Holy Wood à Antichrist Superstar, ce dernier nécessitant plus d'efforts pour être apprécié.

Finalement, après une entrée en matière prometteuse, les morceaux s'enchaînent et se ressemblent, jusqu'à Coma black qui, placé en négatif de Coma white, amorce la dernière partie du disque - c'est d'ailleurs le titre plaintif le plus réussi, et l'on se dit qu'il aurait dû être le seul de ce type à figurer sur la galette. C'est alors que M.M. renoue avec le début de son album et propose enfin une construction intéressante des morceaux : les quatre dernières pistes s'imbriquent parfaitement, sur fond de message vengeur et de harangue, jusqu'au morceau final dans lequel résonne le barillet d'un revolver chargé d'une seule balle, ultime référence à la trop grande distribution des armes sur le territoire étasunien.

Une belle déception sur le long terme.
RaoulDeCambrai
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le 3 déc. 2013

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