Dans un monde où tout va trop vite pour être honnête, il n’est jamais évident pour les vieux groupes anciennement acclamés de se faire une place parmi la jeune garde… Vieux ? Les Jesus and Mary Chain ?
Cela va faire 7 ans qu’ils ont sorti leur fameux Psychocandy et ils reviennent au moment où le rock alternatif noisy n’en finit pas de sortir des disques de grande qualité (sans oublier la supernova Loveless qui désintégrera ses auteurs). Un retour de vieux radoteurs quoi. Des mecs qui n’ont plus grand-chose à apporter et qui se sont fait dépassés par leurs héritiers.
… C’est le genre de dires que vous lirez à propos de Honey's Dead. Des propos proférés certainement par des gens aux œillères larges comme des panneaux d’autoroutes. A ceux-là, je ne répondrais qu’une chose : laissez donc tomber votre manuel de la parfaite discothèque du rock et laissez parler le son.
« Reverence » ne pouvait pas mieux lancer un album pour enclencher sa réhabilitation. Entre ses paroles qui feront scandale (« I wanna die just like Jesus Christ. I wanna die just like J.F.K. ») et son beat directement hérité des dance rockeurs de Manchester, c’est le carton assuré pour mettre le boxon sur les pistes de danse (reste à trouver la boite de nuit qui diffuse ce genre de titre… Ce qui est facile en Angleterre).
Cette optique de surfer sur l’impact provoqué par le monstrueux Screamadelica a probablement fait passer ce disque au second plan. Mais ça serait oublier que les JAMC ont déjà incorporé des rythmes électroniques et limite dansants sur Automatic qui était en plus produit par Alan Moulder. Un des principaux architectes sonores du shoegazing (et qu’on retrouve de nouveau ici).
La boucle est bouclée. On assiste, ni plus, ni moins, qu’au retour des patrons démontrant à la génération qu’ils ont inspirée, qu’ils ne sont pas prêts à se faire doubler… Toutefois, ils ne refusent pas d’être aidés par ces jeunots (le batteur de Curve intervenant sur quelques morceaux).
Même quand ces saligauds samplent des passages connus du rock (la fin de l’incroyable « Sugar Ray » qui reprend la conclusion orgasmique du « Once In A Lifetime » des Talking Heads) ou qu’ils ne sont pas loin de s’auto-reprendre (« Far Gone and Out » et « I Can't Get Enough » présentent quelques similitudes troublantes), ça marche du tonnerre de Dieu. Tout fonctionne pour la simple et bonne raison que les chansons écrites par le duo sont magistrales. C'est de la pop dans ce qu’elle a de plus jouissive : des plaisirs immédiats et habités par des rockeurs au charme imparable.
Des rockeurs toujours à l’écoute de leur époque et ce n’est pas pour recycler maladroitement un son à la mode. Entre les rythmiques downtempo inspirés des Bristolien séminaux de Massive Attack sur « Almost Gold » et le terriblement lascif « Catchfire » (où les guitares brouillées des Jesus copulent amoureusement avec un beat marteau pilon tout simplement indécent), il y a de quoi prouver que ces mecs issus à l’origine du post-punk était ouverts à toutes sortes de musiques.
En réécoutant Honey's Dead, on ne peut s’empêcher de remarquer à quel point il est un témoin de son époque. Mais si je dis ceci, ce n’est pas pour en faire sa principale qualité. Pas d’entourloupes entre nous. L’argument de la nostalgie ira se faire voir. Cet album est tout bêtement l’alliage parfait entre noisy pop vénéneuse et rythmiques implacablement entrainantes. Une musique ensoleillée et chantée par des goth plus occupés à empiler les guitares et à écrire des chansons irrésistibles plutôt qu’à se peinturlurer la tronche.
Le disque de power pop qui devrait être obligatoire dans tous les autoradios du monde.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.