Noir Dé(troit): Renaissance du rock français !
Le temps est passé, Cantat a payé et ni la loi ni la morale ne sauraient condamner le fait qu’il continu d’exercer son immense talent d’auteur-interprète, sauf peut-être la flopée de crétins qui déclarent que si on aime sa musique c'est qu'on est violent comme lui. On pouvait tout espérer et tout craindre de cet album. Craindre le coup de pub, le réchauffé comme les quelques titres publiés en leur temps sur le site de Noir Dé. Espérer, enfin, un retour du rock français, d’un chanteur charismatique bien qu’instable avec ses émotions, espérer que cette violence qui l’a conduit en prison donnerait au final une matière dont sortirait quelque chose qui, sans effacer son crime, transformerait le plomb en or.
Ce n’est pas un coup de pub… C’est, enfin, le vrai retour de Cantat, le retour d’un rock français qui n’en pouvait plus de s’être farci successivement le vide de Kyo, des BB Brunes et de Superbus, un rock français qui n’en pouvait plus d’être cantonné à la bande Fm en n’ayant plus rien à dire d’autre que : « Je t’adore… ». On a presque l’impression que le temps n’a pas coulé depuis Des Visages Et Des Figures, le dernier album studio de Noir Dé et c’est presque les larmes aux yeux qu’on se rend compte que tout y est : la voix de Bertrand toujours douce, souvent rauque et d’outre-tombe, les paroles qui restent aussi, voir plus sombres que par le passé et on aura raison de tendre l’oreille à la recherche d’évocations des événements des dernières années. Cantat a, comme par le passé, besoin d’exprimer ce qui le ronge de l’intérieur mais aussi ce qui le révolte à l’extérieur.
L’homme qui, en son temps, envoya magistralement chier sa majesté J2M aux Victoires De La Musique aux côtés d’un Delarue jubilant devant une courbe d’audience qu’il imaginait en forte érection, semble intact dans ses idées, ses combats et sa capacité de révolution. Les nantis et autres profiteurs en prennent toujours plein la face et numérotent leurs abattis. Et puis la musique magistrale de Nicolas Humbert qui a su ne pas rejeter en bloc l’héritage Noir Dé, donne parfois dans la ballade douce et amère, parfois dans le rock bruyant comme aux grandes heures du groupe, viennent s'y ajouter des arrangements électro parmi d'autres venus du Moyen-Orient. On entend, de loin, L’Homme Pressé à travers Le Creux De Ta Main (formidable titre !) ou parfois l’écho de l’harmonica d’Aux Sombres Héros De l’Amer. La divine surprise passera par la formidable reprise d’Avec Le Temps dont on ressort ébahi et avec au cœur l’évidence que seul Cantat avait la légitimité pour la faire…et puis il y a le sens qu’on l’imagine donner à cette reprise.
En toute objectivité et avec le recul de plusieurs écoutes, c’est déjà un grand album qui marque un retour frappant d’un grand auteur, d’un grand chanteur et d’un grand rockeur qui ringardise comme par le passé les papys radiophoniques et bibelots nationaux potes à Sarko… Alors Bertrand, n’arrête plus s’il-te-plaît, pas maintenant que la haine de l’étranger revient, pas maintenant que la France recommence à sentir le rance colonialiste, pas maintenant que certaines idées sont sur le point de mourir écrasées sous le talon méprisant des maîtres du monde en costard-cravate et attaché-case. Ton talent est intact pour faire passer ces idées mieux que ne savent le faire ceux qui t’écoutent, alors vas-y…