Gare à vous : la piégeuse simplicité, la beauté profonde de ce folk doucement psychédélique, comme déconnecté de la marche des âges, fait pousser des ronces dans les oreilles et, dans le ciboulot, des herbes étranges, à fumer au coin d'un bûcher de Salem. Horn of Plenty est un drôle d'objet, inclassable : il est arrangé avec l'économie de moyens d'un Nick Drake, mais s'amuse dans un luxe d'idées, comme Animal Collective ou Why , à prendre tous les chemins de traverse possibles, à inventer des déviations improbables. La biographie du groupe parle de musique urbaine, de concassage de rock, d'electro, de folk et de jazz.
Mais si les morceaux lents et somptueux des deux Américains se forment dans la corruption des villes (Chicago et New York), ils constituent surtout un inquiétant raccourci vers l'ombre de forêts brumeuses, aux arbres diaboliquement noueux et inconnus. Grizzly Bear a pourtant la délicatesse de ne pas imposer ses fantômes : ce sont vos propres spectres, angoisses enfantines ou rêves de beautés, que vous croiserez au long de cet album tortueux et fascinant, doublé de remixes innombrables (The Soft Pink Truth, Efterklang, Final Fantasy, Castanets') mais inégaux. (inrocks)
S'inscrivant dans la mouvance de cette nouvelle espèce de folk lo-fi et électroorganique du XXIe siècle, Grizzly Bear, à l'image d'Animal Collective, est un tandem issu de Brooklyn. Avec cet inaugural double album, eux aussi explorent une musique rurale et éclatée, infiltrée par les miasmes d'un environnement des plus matérialiste. Les doux rêveurs et chantres de la lenteur que sont donc Edward Droste et Christopher Bear écrivent de délicates compositions bancales et nimbées de brouillard, suivant un parcours piqueté d'éclats de cuivres et de violons, de petites flaques électroniques et bruita-ges de la vie quotidienne new-yorkaise (préalablement saisis par Edward sur son DAT)... The Remixes révèle que la richesse de la matière première aura permis à chacun de la revisiter sans la dénaturer jamais, tant il y a d'espace disponible. Quand certains accentuent l'aspect de dénuement des chansons (Son, Black Moustache, Ariel Pink), d'autres (Efterklang, Dntel et Simon Bookish) en font ressortir la poten-tialité pop... Solex et The Soft Pink Truth y trouvent de quoi danser bien funky et Alpha, de retour en grâce, s'approprie complètement Don't Ask, d'une façon qui rappelle la grandeur intemporelle de Come From Heaven. Le prix d'honneur revient cependant de droit aux six minutes d'époustouflante inventivité passées en compagnie du Canadien Circlesquare. Le plus étonnant c'est qu'à l'issue de l'écoute du nour-rissant The Remixes, la première impression que l'on avait du premier volet s'en trouve totalement cham-boulée. D'où le bien fondé du titre, Corne D'Abondance. CQFD.(Magic)