Dès les premières notes de What Kind Of Man, le premier extrait du troisième album de Florence + The Machine, How Big, How Blue, How Beautiful, le groupe nous mène vers une fausse piste. Reprenant là où ils nous ont laissés avec la consécration que fut l'épique Ceremonials (2011), la Machine délivre une introduction calme et captivante avant de nous emporter dans un son rock révolté où l'énergie de Florence Welch brille. Ce que nous dit ce premier single ainsi que l'ouverture de l'album, Ship To Wreck, c'est qu'il faut oublier la théâtralité qui avait fait les belles heures de Ceremonials car le ton donné ici est bien différent.


Cette nouvelle collection de chansons prend un tournant plus rock et plus simple, cela dû au fait qu'elle est en grande partie produite par Markus Dravs, l'homme derrière The Surbubs (2010) ou Reflektor (2013) d'Arcade Fire ainsi que le Viva La Vida (2008) de Coldplay, avec la collaboration de fidèles du groupe tels que Kid Harpoon, Paul Epworth ou Ester Dean. Mais la simplicité n'a rien de mauvais surtout venant de Florence + The Machine qui n'ont pas perdu leur style depuis le sublime Lungs (2009). Le son est plus pur et plus sérieux, mais il n'en perd pas une certaine légèreté et sérénité. Le morceau How Big, How Blue, How Beautiful, qui donne son titre au disque, puisse son inspiration dans le ciel de Los Angeles, où la plus grande part de l'album a été enregistrée. La chanson est superbement écrite toute en délicatesse (“Maybe I'll see you in another life / If this one wasn't enough / So much time on the other side”), offrant une magnifique orchestration et une section de cuivres époustouflante, tout cela porté par l'énergie de Florence Welch, toujours au centre de cet opus. Quand on écoute un morceau comme celui-ci, si léger et pourtant puissant, on se demande comment la suite de l'album peut sonner ...


Et la suite est à la hauteur des attentes : parfois énergique et très bien orchestrée comme sur Third Eye ou Ship To Wreck, parfois calme, fragile et épurée sur Long & Lost ou le très beau Various Storms & Saints. Et pour ceux qui penserait que cet album est trop lent comparé au précédent, prenez le temps d'y repenser. Il est vrai que la signature rock de cet opus laisse place à des titres moins accrocheurs qu'à l'accoutumé, notamment Caught et Mother qui semblent être le clin d’œil du groupe à leurs racines anglaises, mais la production est toujours si travaillée et complexe et les paroles poétiques écrites en toute subtilité (“How I long for the autumn / The sun keeps burning deep / Every stone in this city keeps reminding me / Can you protect me from what I want ?”) qu'il nécessite plus d'une écoute pour être entièrement émerveillé par ce disque.


Outre la piste-titre, How Big, How Blue, How Beautiful abrite deux véritables merveilles : l'une s'appelle Queen Of Peace, presque théâtrale et absolument boulversante, et St Jude, un morceau si calme et serein qu'il nous transporte vraiment dans un autre univers. Et c'est là toute la force de l'album : même si l'originalité et l'ingéniosité n'est pas aussi forte que sur Lungs et que la théâtralité qui offrait les moments forts de Ceremonials est oubliée, Florence + The Machine réussissent à délivrer avec How Big, How Blue, How Beautiful un ensemble si fort et si musicalement juste, dénué de toute excentricité, qu'ils nous transportent une fois de plus dans leur univers unique. Florence Welch présente cet album comme une odyssée à travers des supports visuels magnifiques, mais même sans cela ce troisième opus est une véritable odyssée et réussite devant cela à une production maîtrisée mais incroyablement fluide et légère, une plume unique et poétique, une énergie et une performance vocale fascinante venant d'une meneuse résolument unique, et une justesse rare de la première à la dernière piste. Florence + The Machine frappent fort en prenant le risque de proposer un album éloigné du précédent, en se débarrassant d'une théâtralité que l'on considérait comme l'élément qui les différenciait des autres artistes indie, mais en faite non ... Florence Welch et son groupe se différencient des autres artistes par leur excellence qui est démontrée sans artifice tout le long de How Big, How Blue, How Beautiful, et c'est clairement ce qui fait qu'ils nous offrent leur meilleur album à ce jour.


(à écouter : How Big, How Blue, How Beautiful, Queen Of Peace, St Jude, Caught)


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killyourdarlings
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le 17 oct. 2015

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Keith Morrison

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