Harold Sees Dragons
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le 18 juin 2014
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À part pour le Seigneur Des Anneaux, Howard Shore est un compositeur que l’on connaît assez peu, car s’il s’est chargé de bon nombre de films de David Cronenberg (toutes, en fait) et de grands succès (La Mouche, Le Silence Des Agneaux), mais jamais son œuvre n’aura été marquante avant 2001. Avec le Hugo Cabret de Martin Scorcese, qui offre la possibilité d’une jolie création avec son cadre parisien début XXeme, Shore nous montre l’étendue de ses talents.
Déjà, la connotation française est bel et bien au rendez-vous. C’est une évidence, j’entends par là qu’elle est bien interprétée, car même si le premier plouc pensera à mettre de l’accordéon dans un cadre parisien, ce n’est pas sûr qu’il sache bien l’exploiter. Ici, il est un instrument extrêmement versatile, prenant en charge bon nombre de situations (on y reviendra), sans pour autant nous le bourriner sans arrêt (un peu comme la musique asiatique, vous voyez ^^ le gimmick devient vite un cliché quand il est mal dosé). L’atmosphère parisienne est présente, mais surtout respectée : elle est introduite avec subtilité puisqu’elle est en quelque sorte suggérée naturellement, de part son orchestration (on sera littéralement sous le charme à bien des moments). Bien sûr, l’accordéon s’impose par endroits lors des scènes plus légères et assez fournies visuellement (agitation dans la gare, train qui la découpe en deux, …), par exemple dans "The Thief" ou "Trains". Mais cela restera toujours remarquablement maîtrisé et jamais ampoulé du genre je-te-mets-de-l’accordéon-parce-que-tu-viens-voir-un-film-sur-Paris-du-coup-je-vais-mettre-que-ça-à-fond-dans-tes-oreilles.
On retrouve les gradations habituelles de Shore, ses unissons rythmiques, ses cordes atypiques, mais aussi une orchestration épurée qui parvient à trouver une belle richesse harmonique, à l’image de "The Chase" (la simplicité, vous dis-je) qui comporte un excellent solo d’accordéon correspondant au groupe du bar frappé par la maladresse de l’inspecteur. Les couplages piano/accordéon sont juste excellents ; le tictac de l’horloge et les cymbales agissant en pulsation seront par exemple des procédés régulièrement utilisés pour étoffer l’ensemble, sans le rendre pompeux : ils sauront toujours rester discrets. Les bois, famille d’instruments permettant de développer une plus grande proximité avec les personnages, sont grandement valorisés. Ils savent tous retranscrire la joie de vivre des années folles : le meilleur exemple est incontestablement "The Invention of Dreams", bel hommage au cinéma muet et à l’esprit très fanfare de l’époque. L’enthousiasme débordant est clairement l’un des aspects marquants, tant la fluidité naturelle de la musique nous entraîne avec elle (on dirait que Shore a composé pour de l’accordéon toute sa vie !).
Ce choix d’orchestration permet de mieux valoriser les thèmes plutôt bien exploités. Par exemple, celui de l’inspecteur de la gare ("The Station Inspector") qui n’insiste pas trop sur le burlesque ; celui de l’automate qui arrive à trouver une certaine fluidité malgré son rythme monotone (c’est la mécanique qui prend vie) : interprété au piano, il se veut froid comme dans "The Clocks" ; à la flûte, il se veut plus intime comme dans "Ashes". Et surtout, deux motifs somptueux : celui du thème principal (que l’on retrouve dans la très belle chanson de Zaz (dont la voix se marie très bien avec le genre) « Cœur Volant » qui comporte de jolies paroles) et d’Hugo, bien qu’il soit complètement coupé dans le film (oui, le milieu du motif est coupé au montage dans toutes ses apparitions, je n’ai jamais vu ça ^^), il reste somptueux, et il est bouleversant de beauté dans "Winding It Up".
Toutefois, l’histoire d’Hugo Cabret conduit à de nombreux évènements qui se veulent émouvants : par conséquent, même si le film se plaît à nous émerveiller avec son cadre enchanteur qui nous en rendrait presque nostalgique (qui n’a pas rêvé l’espace de quelques secondes d’habiter dans les studios où dans la boutique de Georges Meliès ?), il nous offre également bon nombre de scènes plus sentimentales. Et c’est pourquoi le choix d’Howard Shore est très pertinent : son style très posé et son attrait pour la simplicité (il fait partie des compositeurs qui choisissent l’évidence, à l’image de "The Armoire") sont tout à fait cohérent pour restituer tout ce que le monde d’Hugo peut offrir : du parisien traditionnel, de la magie, de la douceur et de la mélancolie. Et la Bo se montre efficace dans tous ces domaines.
D’ailleurs, "Winding It Up" à elle toute seule est bouleversante de beauté : composée pour la musique et non pour une apparition dans le film (même si une partie de la fin est celle de "The Clocks"), elle est une parfaite synthèse de tout ce que l’univers musical d’Hugo peut proposer (à l’image d’un "Harry’s Wondrous World", c’est exactement la même chose). Sa richesse, ses thèmes, ses différentes ambiances, et surtout son innocence : une grande joie de vivre s’en dégage au début, mais un aspect tellement déchirant l’emporte à la fin !
Ainsi, Howard Shore accompagne à merveille les aventures du jeune Hugo en prenant plaisir à le faire évoluer dans un univers magique et particulièrement attrayant de part sa joie de vivre. D’une grande créativité malgré la surexploitation du genre, Hugo Cabret trouve son identité musicale, et chaque morceau se révèlera être bourré de belle nostalgie de part l’enchantement parisien qu’il parvient subtilement à développer. Aux multiples facettes, cette Bo se révèle être sympathique et sincère, à l’image du film. Un plaisir mémorable !
Créée
le 1 juil. 2014
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