Huis-clos (EP)
7.8
Huis-clos (EP)

EP de Vîrus (2015)

Un album de Vîrus c'est jamais un album normal. C'est toujours un choc, une expérience à part dans le paysage du rap français, dans le paysage musical ou même dans le paysage artistique... C'est quelque chose dont on ressort pas indemne. Aucune chance donc de le voir dans une grosse radio soumise au diktat de l'audimat tel que Skyrock. Son rap est bien trop à part pour cela.


"Venons-en aux faits
À quoi bon s’assagir quand t’as personne avec qui folisopher ?"


Seulement ses textes et les thèmes qu'il aborde ne seraient rien sans Banane, qui plus qu'un fruit goûtu, est son producteur attitré depuis son premier album, Le choix dans la date. Architecte de son univers d'une profonde noirceur, il lui produit des instrus viscérale principalement synthétiques, reflétant son univers tourmenté. Tourment aussi exprimé par le flow de Vîrus donnant à sa voix la forme d'un témoignage de son désespoir et de son amertume face à notre société. Au point qu'une cohésion totale se dégage du flow et des textes de Vîrus ainsi que des productions musicale de Banane.


Et c'est après un album et un EP, que sont Le choix dans la date et Faire-Part, déjà extrêmement marquant dans l'univers du rap français que Virus revient avec ce deuxième EP, Huis-Clos. Et rien que la pochette en dit déjà très long sur la proposition musicale que nous offre Vîrus. 4 titres pour un total de 17 minutes. C'est court c'est vrai, mais c'est toujours aussi intense que ses projets précédents. D'une cohérence redoutable on y assiste à la descente aux enfers du personnage incarné par Vîrus, un misanthrope, sociopathe, reclu, souffrant de cette solitude ainsi que d'une vie terriblement banale, ne supportant pas la société, n'étant pas adapté à elle ni aux individus qu'elle génère. Chaque morceau nous montre la montée d'un cran de sa folie par un euphémisme filé le long des 4 morceaux, tel le fil rouge de sa progression dans sa dépression et dans les profondeurs de ses déséquilibres mentaux :



  • Sur Bonne Nouvelle :
    "Avant, ça allait à peu près, je vivais seulement en marge
    Puis je me suis mis à compter le nombre de carreaux qu'il y a sur ce carrelage"

  • Sur Marquis De Florimont :
    "Avant, ça allait à peu près, j’en avais juste besoin
    Je paye une piscine au de-blé à l’épicier du coin"

  • Sur Reflection Eternal :
    "Avant, ça allait à peu près, je me ressemblais
    Maintenant, je meurs sans blé"

  • Sur Navarre (Self Madman) :
    "Avant, ça allait à peu près, j’entendais que des voix
    Je suis pas énervé, je vous jure, sinon ce serait impossible que je vouvoie
    Aveuglé, je pourrais pas te dire si on me sert ou si on pisse dans mon verre de thé"


Une descente aux enfer dans les tréfonds de son esprit torturé, au fin fond de ses doutes et de son emprisonnement intérieur, abordant pour chacun des morceaux des thèmes bien particulier en profondeur. L'isolement sur Bonne Nouvelle. Ses addictions et notamment l'alcool sur Marquis de Florimont. Le regard des autres sur Reflection Eternal. Jusqu'au point d'orgue qu'est Navarre (Self Madman) conclusion où le personnage incarné par Vîrus se met à perdre totalement pied dérouté par le monde extérieur.


"J’ai bu et bu et rebu de la société
Y’en a à qui ça coupe les jambes, moi ça me les fait pousser
J’ai froid, j’ai soif comme le feu, eh oui
Manque de sommeil et maladie sont mes seuls moments d’euphorie
Comment je vais faire pour séduire et conclure ?
Les drogues dures ? Nan, j’ai peur d’Épicure"


Les thèmes que Vîrus aborde, il les traites avec une plume fascinante. Et je pèse au milligramme près le sens de ce mot, car il est le mot parfait pour décrire son écriture. Je pourrais prendre des couplets entiers et en faire des analyses fouillés pour mettre à jour leur richesse d'écriture, mais cela rendrait cette critique très longue et indigeste, sans compter que je ne rendrais pas justice à la qualité de ses écrits ou de sa technique, car j'oublierais très probablement des choses, tant chaque nouvelle écoute de ses morceaux me fait découvrir un sens caché dans ses écrits labyrinthique. En effet dans ses textes il façonne un style d'écriture extrêmement fort et riche qui lui y est propre. On pourrait presque dire qu'à partir de la richesse de notre langue il façonne son propre langage.
Combien de paroliers peuvent en dire autant ? Pas beaucoup dans le rap français c'est certain. Je reconnais que je n'y vais pas avec le dos de la cuillère quand je parle de sa plume, comme dirait Vîrus "j'enfonce le clou la tête la première", mais croyez moi il le mérite amplement.


"La prison ne sert qu’à éviter l’évasion
Une fois dehors, je continue de ressentir des tensions"


Bref que vous dire de plus à part que cet EP est un OVNI d'un rappeur à part, sorti d'un coin pas très net des profondeurs du rap français de ma part, et que peu importe que tu sois un connaisseur en rap, un simple passant intrigué par ma critique, ou un sceptique ayant des préjugé sur le genre, je ne peux que te conseiller d'y jeter un œil, une oreille ou même de te jeter à corps perdu dans l'univers sans concession ni équivalant de ce rappeur dans cet EP.

Noe_G
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le 3 juin 2016

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