Jens Lekman est notre part de romantisme. L’artiste suédois incarne notre lyrisme enfoui, ce petit quelque chose d’adolescent qu’on appelle fleur bleue. Avec humour et évidence, ses textes expriment les sentiments qu’on croit toujours morts et enterrés depuis la dernière fois qu’on a eu le cœur brisé. Mais voilà : “You don't get over a broken heart You just learn to carry it gracefully”. Une nouvelle fois, Jens Lekman offre une multitude de citations pour souffrir en riant, pour effleurer la nostalgie avec ironie, pour oublier en se remémorant. I Know What Love Isn’t n’est pas le monument Night Falls Over Kortedala. Ici tout se pare de discrétion, la superproduction intime a laissé place à une musique plus classique. Cependant les chansons demeurent magnifiques, avec leurs arrangements luxueux et leurs mélodies entêtantes. Mais après les expériences et le faste de l’album précédent (disque de l’année 2007 sur ce site), la première moitié de ce nouvel opus joue la carte de l’apaisement, de la simplicité. Jens cède juste à la mode du solo de saxophone, décidément incontournable.

Ce n’est qu’à partir de Some Dandruff On Your Shoulder que le disque prend son essor et déploie tous ses trésors sonores et textuels. S’enchaînent alors quelques unes des plus belles chansons de 2012 (The World Moves On, The End of The World Is Bigger Than Love, Every Little Hair Knows Your Name…). Attention cela ne veut pas dire que l’album n'est qu'à moitié réussi, loin de là. Au contraire, c’est un crescendo, une montée en puissance irrésistible. Là où Night Falls Over Kortedala était un sommet uniforme, I Know What Love Isn’t choisit une approche plus mesurée, qui finit par flirter aisément avec les chefs-d’œuvre de l’opus précédent. Le Morrissey des années 2000 nous fait de nouveau fondre. Son mélange de premier et de second degré, cette distance polie entre dérision et douleur, abattent nos murailles de cynisme. Non, nous non plus on ne sait pas ce qu’est l’amour, mais cela doit probablement ressembler à une chanson de Jens Lekman.
Ed-Wood
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Le meilleur de 2012

Créée

le 30 sept. 2012

Critique lue 104 fois

Ed-Wood

Écrit par

Critique lue 104 fois

Du même critique

Shaking the Habitual
Ed-Wood
9

Secouer les habitudes

C'est un disque de punk électronique. Pour le comprendre il faut dépasser l'idée que la musique punk ne consiste qu'en trois accords joués très vite pendant trois minutes maximum. Le punk c'est aussi...

le 3 avr. 2013

31 j'aime

Les Hauts de Hurlevent
Ed-Wood
10

Le meilleur film de 2012 ?

Je voue un amour sans borne aux Hauts de Hurlevent. A mon sens, aucune adaptation cinématographique ne peut approcher la force du texte d’Emily Brontë. Aussi estimables qu’elles soient, les versions...

le 29 sept. 2012

31 j'aime

Lost in the Dream
Ed-Wood
10

I have a dream...

Vous allez lire ici et là que le nouvel album de The War on Drugs est un disque de rock « à la papa » ("dad rock"). Certains l'écriront de manière péjorative, d'autres comme un compliment. Dans tous...

le 7 mars 2014

28 j'aime

3