Il est étonnant de voir à quel point King Gizzard semble inépuisbale. Le groupe vient à peine de célébrer ses 10 ans en 20 albums (!) qu'il rempile avec 3 nouveaux projets prêts à sortir durant ce mois d'octobre. En l'occurrence, ils égalisent leur fameuse performance de 2017, et cela sans compter tous les EP, live, compil et remix balancés depuis le début de l'année. Même si parfois on est pas loin de frôler l'indigestion, les sorties ont toujours eu l'avantage de respecter certaines thématiques. Et la chose se confirme encore un fois avec ce Ice, Death... subtilement teasé à l'intérieur des fameux medley lors de divers concerts.


Le concept ? Des jams en 7 morceaux, basés sur chaque mode harmonique, notamment sous influence psyché, jazz, funk, à peu près... Enfin bon, la notion de jazz, c'est au sens large, car on va beaucoup évoluer dans cet album. De l'entrée bucolique et guillerette qu'est Mycellium à l'afrobeat Magma, en passant par des moments plus vénère comme dans Iron Lung qui font suite à un long crescendo (à mon humble avis le sommet du disque), les styles se croisent et se mêlent, et les progressions dans ces morceaux étendus se font avec une subtilité plutôt efficace. En soi, Ice, Death... réussit là ou le genre de best-of fourre-tout qu'était Omnium Gatherum avait échoué. Lorsque l'autre affirmait l'hétéroclite, ici on joue la fusion. Le ressort est amplifié par les méthodes employées. Ça se sent : chacun passe l'instrument à l'autre (et je crois bien que c'est la première fois qu'on a du saxo), les éléments tournent, et la volonté de former un ensemble plutôt que plein de petites pépites est claire. L'élément ultime : les chanteurs Stu Mackenzie et Ambrose Kenny-Smith se passent le micro le temps d'un vers. On est loin du temps d'avant Omnium où chacun se contentait de chanter sa chanson, parfois de faire les back, maintenant les diverses voix s'embrasent. Dépassant le concept de jam que l'on retrouvait déjà dans un Quarters! aux structures simples mais allongées, ici il faut se rendre à l'évidence. Les morceaux dans leur globalité sont bien plus écrits, et "l'impro" s'inscrit dans des solos qui s'étalent et se passent. Mais la spontanéité reste toujours présente.


Si j'ai toujours admiré une certaine accessibilité chez King Gizzard, en jouant des styles tout en étant appréciable à la première écoute (ou très rapidement), c'est loin d'être le cas ici. Si les longs morceaux des précédents albums -aujourd'hui à peu près tous cultes, pour ne pas dire des morceaux phares du groupe- laissaient la part belle à la transe et aux formats simples, Ice, Death se veut comme un seul morceau, mais un morceau d'une bonne heure (ce qui en passant en fait l'album le plus long du groupe, si l'on omet le double sorti en début d'année). Enfin, ça c'est dans la théorie, parce que les transitions sont toujours aussi niquées, on change pas ses défauts chez King gizzard :( mais les styles évoluant de manière subtiles, il sera difficile lors d'une première écoute de saisir la plupart des transitions. Ce qui je l'admets, est encore mon cas, et j'envoie une dédicace à Gliese 710 que j'oublie à chaque fois, dommage que ce morceau soit le dernier. Loin d'être évident, je conseille pas vraiment cet album pour quelqu'un découvrant le groupe, de même que l'habitué aura besoin de minimum 3-4 écoutes pour commencer à entrer pleinement et de se satisfaire de tous les petits passages qui se font discrets face à l'opulence que le disque nous offre. Mais il saura susciter l'inspiration, et invite le musicien à s'emparer du son et de venir jouer avec eux.

poulemouillee
8
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le 12 oct. 2022

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