Dire que cet album de Nightwish était attendu au tournant serait un euphémisme… En effet, après le décevant « Dark Passion Play » et les performances alarmantes d’Anette sur scène, le groupe se devait de sortir une œuvre prouvant qu’ils étaient toujours les maîtres du metal symphonique.
L’album débute de manière audacieuse : le son du mécanisme d’une boîte à musique que l’on remonte, puis ces quelques notes délicates qui retentissent, et la voix si douce de Marco qui nous conte, en finnois, la magie de l’hiver, avant que la berceuse – qui semble nous inviter à fermer les yeux afin d’accéder aux rêves dans lesquels va nous plonger « Imaginaerum » – se fasse de plus en plus symphonique pour s’ouvrir sur le premier véritable morceau de l’album », « Storytime ».
Sur ce titre entrainant, on retrouve tous les éléments propres à Nightwish : un refrain accrocheur, un riff simple soutenu par un Jukka martelant sa caisse claire, un pont symphonique des plus cinématographiques, et une magie ambiante que nul autre groupe n’a jamais sut reproduire. On regrettera néanmoins la place simpliste accordée à la guitare d’Emppu, chose qui sera corrigée sur le morceau suivant, « Ghost River », qui nous plonge dans une ambiance plus sombre, avec ce refrain angoissant scandé par un Marco qui se fait bien plus effrayant que sur «Taikitalvi », avec des paroles qui semblent tirées d’une sinistre comptine : “He will go down he will drown drown, deeper down / The river wild will take your only child /He will go down he will drown drown deeper down/The mills grind slow in a riverbed ghost town». Les chœurs d’enfants qui s’ajoutent peu à peu au refrain contribuent à l’ambiance cauchemardesque du morceau. Anette, quant à elle, délivre une performance vocale parfaite, mais c’est sur le titre suivant qu’elle se révèle être la plus surprenante.
« Slow, Love, Slow » est l’OVNI de l’album, un morceau incompris et mal aimé… Et pourtant… Ce titre est un véritable joyau : la performance sensuelle d’Anette, les backing vocals de Marco sur le refrain, sa basse jazzy, ces quelques notes de piano, ce SOLO d’Emppu (sérieusement, ces derniers sont devenus tellement rares !), et ce magnifique final sur lequel la voix d’Anette s’envole... « Slow, Love, Slow », avec son ambiance enfumée et rêveuse nous prouve à quel point Nightwish ose s’aventurer hors des sentiers battus, pour un résultat surprenant mais sublime.
Un tic tac nous mène doucement au morceau suivant et, là encore, le changement d’atmosphère est radical : nous voici en Irlande, bercés par la cornemuse de Troy qui nous donne furieusement envie de taper du pied. La voix d’Anette se fait presque lyrique sur les couplets, et plus dynamique sur ce refrain diablement efficace qu’elle partage avec un Marco toujours aussi parfait. Enfin, il est impossible de ne pas avoir envie de danser sur ce pont fantastique dans lequel les instruments se répondent sur un rythme endiablé. Nous sommes au cinquième morceau de l’album, et pour l’instant, c’est un sans-faute.
Ceci sera confirmé par le grandiloquent et terrifiant Scaretale, qui se voit affublé de la meilleure introduction de l’album, avec ces enfants qui fredonnent, d’un air à la fois si innocent et si angoissant : « a ring, a ring o' roses/ a pocket full o’posies /atishoo atishoo we all fall down », et cette ambiance qui va doucement basculer dans l’horreur. Anette surprend une fois encore, et montre son habilité à modifier sa voix en adoptant un chant plus agressif et plutôt effrayant. Il en est de même pour Marco, qui se transforme en monsieur Loyal pour nous inviter à entrer plus profondément dans ce cirque morbide… Le morceau est brillant avec un Emppu plus incisif, et ses nombreux changements de rythme et d’ambiances, néanmoins toujours oppressantes et inquiétantes. Et pourtant, même si l’ensemble de « Scaretale » est effroyable, à la fin du morceau on a juste envie de replonger dans ce délicieux cauchemar.
L’oriental et symphonique interlude « Arabesque » nous permet de nous remettre de nos émotions avant de découvrir la seconde balade de l’album, « Turn Loose the Mermaids », sublime morceau sur le décès de la grand-mère de Tuomas, porté par la voix délicieuse d’Anette qui livre une magnifique interprétation, toute en subtilité. Le pont, dans lequel se fait sentir l’influence de Sergio Leone, est de toute beauté.
Les deux titres suivants, « Rest Calm » et « The Crow, the Owl and the Dove » sont les plus faibles de l’album. Le premier, qui se veut dans la lignée de Paradise Lost, comporte des couplets très accrocheurs, mais se voit doté d’un refrain particulièrement soporifique et d’une fin INTERMINABLE. Quant au second, c’est la ballade de trop. Composée par Marco, qui nous avait habitués à du très bon avec «The Islander », ce morceau peine à accrocher l’attention. Le pont est catastrophique (il FAUT arrêter de faire chanter Troy, sur album et sur scène). Il y avait pourtant de bonnes idées, comme ce premier couplet très atmosphérique qui rappelle « Angels fall first », et cette jolie mélodie à la guitare… Mais la sauce ne prend pas.
Le morceau suivant vient nous tirer de la léthargie dans laquelle nous commencions à tomber – il faut dire aussi que nous avons dépassé les 50 minutes : « Last ride of the Day », avec ses chœurs martelants, son rythme entraînant et ce refrain qui donne envie d’accompagner Anette, est l’un des moments forts de l’album.
Et voilà, nous y arrivons, le fameux morceau qui-sera-le-plus-long-de-l’histoire-de-Nightwish- qui-fera-20-minutes-puis finalement-13-minutes-puis… Merci Tuomas, tu nous fais le coup à chaque album. Alors ça commence plutôt bien, très bien même : une introduction au clavier tellement nightwishienne, des chœurs épiques et la voix très rock d’Anette, qui nous montre encore l’étendue de ses possibilités. Le refrain, épique et fédérateur, est sublime. Je ne m’étendrai pas sur la dernière partie du morceau, inspirée des poèmes de Walt Whitman, car malgré toute ma bonne volonté, je n’ai jamais accroché (et puis, le vieil homme nu me met un peu mal à l’aise, quant au village dans le flocon de neige, je trouve ça très niais). Je préfère la version live dans laquelle elle disparaît …
L’album se conclut sur une très bonne idée : un medley des différents thèmes musicaux d'« Imaginaerum », version symphonique, qui donne envie d’écouter l’album à nouveau (même s’il tourne depuis déjà 75 minutes !) Je regrette cependant que les 3 dernières minutes reprennent la fin du précédent morceau, qui était déjà bien gonflante (bon, voilà, c’est dit).
Alors oui, cet album a des défauts, mais tant de qualités que ce 10/10 est largement mérité. Nightwish a su surprendre avec un album aux ambiances multiples et pourtant étonnamment cohérent, et toujours aussi magique. Anette se révèle bluffante, et je regrette de ne pas pouvoir l’entendre sur un troisième album (parce-que son album solo, euh…). Cela dit, j’attends la prochaine sortie du groupe avec impatiente, curieuse de voir dans quel monde ils nous emmènera cette fois-ci…