L'Imaginaerum du compositeur Holopainen
Il n’y a pas à dire, les gars de Nightwish savent faire parler d’eux : après un Dark Passion Play qui prêtait à la lutte acharnée entre les pro-Tarjas et les pro-Anettes, le célèbre groupe finlandais fait son grand retour en cette fin 2011 avec Imaginaerum, un album au projet ambitieux. En effet, après la sortie de The Unforgiving de Within Temptation et du comic qui l’accompagnait, c’est au tour de la bande de Tuomas Holopainen de frapper fort dans le milieu du métal et d’accompagner sa nouvelle galette d’un film. Une telle idée, après un Dark Passion Play qui a suscité tant d’avis mitigés, ne pouvait que faire jaser les plus sceptiques : sans nul doute un nouveau coup commercial pour un groupe en plein déclin depuis le départ de la grande Tarja Turunen. Je dois avouer que j’ai fait partie de ces gens qui doutaient de cet album. Et j’ai eu tort.
D’un point de vue musical tout d’abord, on arrive à quelque chose de plus abouti. Là où Dark Passion Play sonnait comme le jumeau boiteux de Once, Imaginaerum dépasse ses frères aînés déjà au niveau orchestral. Et on peut remercier à ce niveau les influences cinématographiques de Tuomas auxquelles il rend hommage : l’ombre de Hans Zimmer a toujours été présente depuis au moins Century Child mais elle s’impose de fait à l’écoute d’Imaginaerum. Des titres comme Scaretale ou encore Song of Myself rappellent respectivement le travail du compositeur allemand dans les films Pirates des Caraïbes et Anges et Démons. Mais ce n’est pas forcément à lui qu’on pense d’abord : en effet, l’album ressemble étrangement à une BO sortie tout droit d’un film de Tim Burton et des ambiances musicales à la Danny Elfman se font ressentir tout au long du disque. Cela s’entend sur Scaretale, lors de l’intervention de Marco dans un passage qui fait immédiatement penser à L’Etrange Noël de Mr Jack, ou encore dans la petite berceuse Taikatalvi qui ouvre l’album et qui rappelle le morceau The Duet Piano dans la BO des Noces Funèbres. Hormis ces deux grandes influences inévitables dès la première écoute, on peut entendre un hommage à Ennio Morricone dans une séquence très western spaghetti sur le néanmoins très celtisant Turn Loose the Mermaids, à Disney dans Imaginaerum qui est en fait un medley orchestral des différents thèmes de l’album et qui rappellent un peu les musiques instrumentales que l’on entend dans les bandes-annonces de la boîte à Mickey, et également à Carl Orff dans Scaretale (encore lui !) dont le premier accord au piano donne envie de hurler « O Fortuna ! ».
Mis à part l’orchestre, le groupe en lui-même est au meilleur de sa forme. Déjà, Emppu Vuorinen, guitariste du groupe, reprend un peu du poil de la bête et cela s’entend au niveau des soli. Fini la reprise de la mélodie principale à la guitare électrique, on innove et c’est un plaisir d’entendre de bons vieux soli qu’on n’entendait plus depuis Wishmaster sur des titres comme Last Ride of the Day, véritable montagne russe musicale soit dit en passant. On ne peut que regretter le retrait du batteur Jukka Nevalainen qui, à part son petit moment de gloire sur le pont de Storytime, reste toujours sur la même rythmique. A noter également la présence plus importante du musicien Troy Donockley, présent sur The Islander dans l’album précédent, et qui donne une touche celtique à tout cela et donne un I Want My Tears Back fort sympathique avec, comme cerise sur le gâteau, un duel cornemuse/guitare électrique vraiment délectable, et l’émouvante Turn Loose The Mermaids.
L’album reste cohérent malgré une diversité sonore qui a toujours été de mise depuis l’utilisation d’un orchestre dans la musique de Nightwish. La musique celtique a certes une place plus importante, mais on retrouve également un morceau instrumental aux sonorités orientales, Arabesque. Cependant, l’album n’est pas exempt de défauts et ceux-ci sont encore plus regrettables lorsqu’ils se trouvent dans le traditionnel morceau épique qui est ici Song of Myself. Les deux premières parties sont vraiment excellentes et magistrales, le pré-chorus et le refrain jonglant entre heavy metal et orchestrations grandiloquentes. Déjà, à partir de la troisième partie, le titre tend à s’essouffler avec des répétitions dont on semble ne pas voir le bout. Et la dernière partie, Love, consiste juste en la récitation d’un poème par les proches des membres du groupe. Le poème, au fond, n’est pas mauvais, bien au contraire, mais sa récitation, en guise de clôture d’un morceau prometteur qui aurait pu dépasser les Ghost Love Score et autres Poet and the Pendulum, paraît incongrue.
Vocalement, et je vais vous surprendre, il n’y a absolument rien à redire. Marco Hietala est omniprésent, moins peut-être que pour Dark Passion Play, mais on sent que ce n’est plus le chanteur secondaire qui sert à contraster avec une voix de diva. Il présente une large gamme vocale qui va d’une voix très douce comme sur Taikatalvi à son chant qu’on lui connaît plus comme sur Ghost River ou Rest Calm. Mais la véritable surprise, c’est celui d’Anette. On la sent plus à l’aise et les émotions qu’elle transmet sont plus facilement perceptibles que dans Dark Passion Play, ceci étant sûrement dû au fait que sa voix paraît moins retouchée que sur cet album. Au-delà de la justesse, elle joue littéralement avec sa voix qui se fait feutrée sur le morceau jazzy Slow Love Slow ou très terrifiante sur Scaretale.
Autant Dark Passion Play et My Winter Storm de Tarja avaient entretenu une rancoeur qui divisait les fans, autant le dernier album de l’ex-chanteuse, What Lies Beneath, et à présent Imaginaerum montrent un véritable nouveau départ autant pour la diva finlandaise que pour son ancien groupe. Ce qu’on reprochait à l’album précédent s’est dissipé sur cet Imaginaerum et bien qu’il représente un coup marketing indéniable avec la sortie du film et de sa BO, on ne peut pas nier qu’il a bénéficié d’une composition et d’une production imperfectibles. Sans nul doute le meilleur album de métal symphonique de cette année, qui ravira les fans du genre et les amateurs de musiques de film.