Tout comme Riley et les autres personnages de Vice Versa, j'ai des émotions qui règnent en maître dans ma tête. Et Pixar, en veule studio qu'il est, les flatte sans cesse, ce depuis mon tout jeune âge. A la sortie de Toy Story, c'était principalement Peur qui était aux manettes (sérieusement, Woody est effrayant, hein ? Et puis ce gamin psychopathe qui torturait ses jouets...). Puis il y eut Monstres et Cie, Le Monde de Nemo, Toy Story 3... Peur lâcha la console, rejoignit la partie de belotte entre Colère et Dégoût qui savaient à l'avance qu'ils allaient chômer pendant une heure et demie/deux heures, et laissa dès lors Joie et Tristesse gérer l'approche d'un nouveau Pixar.
Il ne faudra pas longtemps avant que Tristesse prenne le contrôle de mes émotions, puisque avant même que le générique de début de Vice Versa ne commence, une petite larme laisse poindre le bout de sa goutte. Rien à voir avec le début de Là-haut, ceci étant dit. Tristesse ne fait que réagir à quelque chose de beau, que Pixar sait titiller avec classe là où d'autres studios ne font que racoler pour avoir son attention : la nostalgie, ce regard attendri que nous avons tous envers notre passé, tout en sachant qu'il est, et restera, derrière nous. Premier petit moment d'émotion en moins de 15 minutes, et ce sera loin d'être le dernier. Mais ce n'est pas tout...
Mon île d'appréciation des bonnes choses a, pendant une heure et demie, fonctionné à fond les ballons. Il faut dire que d'un sujet qui peut se révéler chiant comme la pluie (le fonctionnement du cerveau et de toutes ses composantes), on en arrive à de la vulgarisation complètement inventive. Parce que personnifier les émotions, c'est bien. Mais imager les fonctions cérébrales, et ce de manière si inventive, c'est mieux. Faire de la personnalité des îles alimentées par la mémoire centrale, placer le subconscient quelques mètres plus haut que l'oubli, les personnages dans la mémoire à long terme qui trollent en envoyant sans cesse le souvenir d'une publicité à la con, le train de la pensée, le monde de l'imaginaire, le monde des rêves qui est un plateau de tournage, et mon endroit préféré, celui où se forment les idées abstraites... (Joie, lâche un peu les commandes, on est à deux doigts de leur faire le script du film, là !) Tous les choix faits pour imager ce qui se passe dans notre organe chewingumesque mais ô combien capital sont tout bonnement brillants.
Autre point positif du film : le regard porté sur les émotions. Elles ne sont jamais caricaturales malgré ce qu'elles incarnent et ont des réactions parfois bien plus nuancées qu'on ne pourrait le croire (ah, le sourire de Tristesse). Mais le film nous amène aussi à considérer la vision que nous avons d'elle, et c'est là qu'il devient vraiment intéressant. On aime le personnage de Joie, parce qu'elle fait en sorte que la vie de Riley soit cool. Sans elle, et cela se confirme dans la suite du film, tout devient plus morne. Cependant, elle est tyrannique, traitant Tristesse comme un boulet, n'hésitant pas à lui faire comprendre qu'elle est plus importante pour Riley parce qu'elle fait son bonheur. Et lorsque l'on regarde bien autour de soi, la réalité est ainsi : nous recevons tout un tas d'injonctions qui nous conforment dans une idée de bonheur. S'il n'existe pas, il faut donner le change, se l'inventer. Etre triste, c'est être faible, ne pas être productif, devenir soi-même un boulet, pour soi mais surtout pour les autres. Vice Versa délivre un énorme coup de pied à toutes ces idées reçues et cela fait du bien.
Dans ma tête, Joie s'est bien éclaté à triturer la console dans tous les sens avant, pendant et après le film. Mais bonne joueuse, elle a laissé place à Tristesse, dont j'apprécie le contrôle, signe que le film m'a touchée et qu'il a donc réussi son coup. En tout cas, je sais que lorsque est venu le générique de fin, une petite bulle jaune et bleue est arrivée dans mon quartier cérébral. Elle ne rejoindra pas ma mémoire centrale, mais elle restera stockée dans ma mémoire à long terme pour un bon petit bout de temps.