Rétrospectivement, j'ai été cruel en affublant l'album d'un simple 6, sous prétexte que, "bon, ouais, Imagine est cool, mais le reste est pas formidable, quoi." Ou quelque chose dans le genre.
Car Imagine c'est un peu un album à tiroirs : on redécouvre des petites merveilles à chaque écoute. John Lennon avait un certain talent pour les textes, et ceux de cet album sont pour la plupart magnifiquement écrits. Certaines chansons sont engagées politiquement : I Don't Wanna be a Soldier Mamma I don't Wanna Die nous parle encore une fois de la guerre, et Gimme Some Truth est adressée au président Nixon. Mais surtout cet album fait la part belle à l'amour fou de Lennon pour Yoko Ono : outre Jealous Guy qui est superbe et date de l'époque Beatles, Oh My Love ou Oh Yoko lui sont dédiées.
C'est du côté des parties instrumentales que je trouve l'album un peu mitigé : beaucoup de chansons ne sont que l'ombre des classiques des Beatles, on pensera par exemple à Because ou Helter Skelter pour Gimme Some Truth. On retiendra toutefois quelques belles trouvailles, notamment Oh Yoko formidablement sautillante (®Tídwald). Je trouve enfin, personnellement que 2-3 chansons comme It's So Hard ou I Don't Wanna be a Soldier Mamma I don't Wanna Die sont assez pénibles, et c'est par amalgame avec ces chansons que j'avais décrété l'ensemble passable à la première écoute. Heureusement que le chanteur a une belle voix, hein.
Mais bien sûr, avant tout ça, il y a Imagine, la chanson-titre. John Lennon a tout simplement réussi une alchimie parfaite. Une utopie en 3 minutes : 3 couplets et 2 refrains. De la mélodie au piano aux violons en passant par l'entrée de la batterie, tout est si simple et pourtant si évident, si banal et pourtant ô combien extraordinaire. De même pour les paroles, des mots simples au possible, choisis avec soin pour délivrer un impact maximal.
Le ton de Lennon paraît naïf, candide, on est tenté bien sûr de rejeter en bloc ce cliché de hippie comme inconscient des réalités du monde, et c'est à ce moment qu'arrive le "You may say I'm a dreamer, but I'm not the only one" nous renvoyant face à notre paradoxe, nous sommes résignés à un monde qui ne nous convient pas, alors qu'il suffirait de si peu pour en changer.
C'est là la magie, à l'écoute de la chanson tout devient possible. Elle aura d'ailleurs un impact extraordinaire, participant pour beaucoup à ce statut de demi-dieu de Lennon. Je vous invite d'ailleurs à lire cette petite BD admirablement bien faite.
Et le reste de l'album poursuit l'utopie de la première chanson, dans son idéal d'un monde sans guerre, apaisé et plein d'amour. L'album a d'ailleurs été enregistré à la campagne, dans la maison anglaise de John et Yoko. Il poursuit l'utopie à une chanson près : How Do You Sleep, des mots très durs adressés à Paul McCartney avec lequel John Lennon est toujours fâché à l'époque. La chanson, très belle par ailleurs, vient un peu comme un cheveu dans la soupe.
Imagine, s'il reste un album inégal, est sûrement le meilleur album de John Lennon, car vecteur d'un message incroyablement fort qui finit par éclipser le reste de l'album, et lui donner une aura incroyable qui traversera sûrement les siècles.