Avant tout chose, sachez que si vous n'avez jamais entendu parler du disque ci-dessus et que vous ne connaissez pas dEUS, il y a de fortes chances pour que vous preniez une grosse baffe dans la gueule à la première écoute. Vous êtes prévenus.
Pour rappel, dEUS est un groupe anversois (et donc belge \o/) formé en 1989 par Tom Barman, qui est le pilier du groupe et le seul membre à avoir participé à tous les albums, au nombre de six.
Le style du groupe est presque indescriptible, car de nombreuses influences viennent modeler leur son, mais aussi parce qu'à la manière d'un Radiohead, ils ne font jamais deux fois la même chose (même si il y a des constantes bien sur). Quelque part entre rock expérimental et jazz, tantôt bruyant et déjanté, tantôt calme et posé, teinté de blues, pop ou autres, le tout saupoudré d'un surréalisme belge très séduisant, le son de dEUS est vraiment particulier, surtout sur les deux premiers albums.
Intéressons-nous maintenant à ce chef d'œuvre (oui oui) qu'est In a bar, Under the sea, deuxième album du groupe, indiscutablement le plus expérimental et, à mon sens, le plus riche, le plus inspiré et le plus intéressant. Globalement, les morceaux sont très différents, on voyage beaucoup, mais bout à bout, il en ressort une étonnante cohérence propre au groupe, un univers bien à eux. Techniquement, ils utilisent beaucoup d'instruments et d'effets, surtout au niveau des voix (qui ne sont pas sans rappeler Tom Waits, influence majeure du groupe sur le premier album dont l'ombre continue de planer sur celui-ci). L'intérêt majeur du disque, c'est que notre curiosité est constamment renouvelé : à chaque écoute, on découvre de nouvelles choses, de nouvelles sonorités. Et quand on l'écoute les premières fois, c'est tout simplement jouissif.
Allez je me lance dans une brève description des différents titres...
Le disque s'ouvre sur I Don't Mind Whatever Happens, court morceau d'intro très blues, plutôt chiant et pas vraiment utile... Mais on a à peine le temps de s'emmerder qu'arrive Fell off the Floor, Man... Vous vous souvenez de la claque ? Et bien la voilà, tout simplement énorme ! Rien qu'en entendant la batterie démarrer, on kiffe déjà. La suite est complètement déjantée et surréaliste : des guitares au son brute et haché, une basse galopante, un synthé futuriste, des voix chelous proférant des onomatopées, ... Ce morceau se réinvente chaque minute, c'est une véritable bombe. Opening night est géniale, mais bien trop courte à mon grand regret. Ensuite vient le sombre et oppressant Theme from Turnpike (morceau utilisé pour le premier film de Barman), dont les voix inquiétantes et les samples ultra lourds foutent presque les boules... Un peu de légèreté tout de même avec Little Arithmetics, sympathique ballade pop qui se termine toutefois en festival de grattes distordues, et Serpentine, chanson esthétique qui emprunte d'originales sonorités orientales. Gimme the Heat et A Shocking Lack Thereof sont les morceaux les plus expérimentaux du disque, faisant tous plus de 5min. Je ne vais pas m'attarder à les décrire (c'est trop compliqué en fait), mais ils valent clairement la peine. La petite surprise du chef : Supermarketsong, une chanson... de supermarché, mais qui a l'extraordinaire capacité de faire rire (pas genre tellement naze qu'on s'en moque hein, la chanson possède un véritable humour). Il y a aussi le magnifique Disappointed in The Sun avec son piano mélancolique et la voix de Barman plus juste que jamais. Reste encore à citer l'ovni Guilty Pleasures, le très jazzy Nine Threads et peut-être la seule fausse note de l'album : Memory of a Festival, morceau pop punk à la Greenday assez niais et sans aucune originalité. Enfin, on s'endort sur une plage hawaïenne, sous les cocotiers en écoutant Wake me up Before I Sleep...
Et c'est alors que survient le drame... J'ai oublié une chanson ! Non en fait je la gardais pour la fin, parce que c'est la perle de l'album. Oui parce que dEUS a l'art de placer au moins une perle sur chacun de ses albums (dois-je vous rappeler Suds & Soda, Hotellounge ou autre Instant street ?). Ici, elle s'appelle For the Roses (ou Roses, on s'en fout). Morceau aux accents grunge, sa structure prend la forme d'un crescendo enivrant et délirant : on commence calmement, trois accords feutrés, répété quatre fois chacun... La voix de Barman apparaît, intrigante et saisissante... La batterie s'installe parfaitement en cours de route, parmi les frémissements du violon qui parsèment le fond sonore depuis le début du morceau. Ensuite, au refrain, les guitares surgissent. Lancinantes, inquiétantes, elles oscillent entre folie et raison. Elles s'imposeront petit à petit, prenant le pas sur les autres instruments par leur son lourd et crasseux, rendant le morceau de plus en plus fou et malsain, mais aussi de plus en plus intense, pour terminer en orgie métallique complètement délirante. Le morceau s'éteint aussi brusquement qu'il a progressé lentement, dans un ultime « Thank U »...
Oui, merci de pondre des merveilles pareilles.
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