In My Room
6.7
In My Room

Album de Jacob Collier (2016)

Il s'agit du tout premier album de Jacob Collier. Multi-instrumentiste et compositeur hors-norme, nous le connaissions d'ores-et-déjà pour quelques arrangements postés sur YouTube, comme Don't You Worry About a Thing (Stevie Wonder) ou Fascinating Rhythm (Ray Charles), qui démontraient déjà des influences jazz/RnB. Alors repéré par Quincy Jones, il peut s'atteler à la production d'un album complet.


Dans cet album, il orchestre beaucoup plus ses musiques (même s'il continue un peu les chants a capella, ce dans quoi il est à mon avis meilleur), et perfectionne ses arrangements en prenant pour base une théorie unique et prodigieusement élaborée (voici pour les bilingues). Cet album le projette au rang de musicien avant-gardiste et suscite l'admiration de tous ceux à qui je l'ai présenté, si tant est qu'ils s'y connaissent un peu en musique.


Car oui, je pense qu'il faut déjà être un peu érudit pour apprécier pleinement la musique de Jacob. Il faut accepter que notre oreille se fasse torturer, accepter les couleurs variées et trouver une certaine douceur dans les enchaînements rudes. Mais ça en vaut franchement la peine.



  • Woke up Today : Rythmes déjantés rapides ou lancinants, harmonies croustillantes, sons électroniques, solo de mélodica, cette musique est typique du style de Jacob. Le refrain se répète énormément, mais toujours varié, jusqu'à passer au second plan : il y a trop de sons à écouter, tout est très plein, tout se mélange, c'est très entraînant.

  • In My Room : Reprise des Beach Boys, In My Room est la chanson qui donnât son nom à l'album de Jacob Collier. D'une forme plus simple (Refrain - Couplet - Refrain - Solo - Pont - Refrain) avec moins de variation d'intensité (accompagnement rythmique qui ne change jamais) elle fait toutefois l'objet de maintes expérimentations harmoniques. A vrai dire, la prospection harmonique est le propre de ce premier album. Cette musique-là peut être considérée comme un des porte-étendards de cette prospection (même si You and I reste la plus frappante à ce niveau-là).

  • Hideaway : Jacob se concentre ici sur une musique plus lancinante, avec des couleurs presque tropicales conférées par ces nombreux instruments à cordes (guitare, basse, banjo, mandoline, dulcimer...). Néanmoins, on a quand même quelques apports colorés assez osés, et notamment le ton qui se réajuste au fur et à mesure, de manière imperceptible (on commence en la 432 pour finir en la 440).

  • You and I : Retour aux fondamentaux, You and I est une pièce intégralement a capella. Elle lui a d'ailleurs rapporté le Grammy Award dans cette catégorie (instrumental ou a capella). Là, on a le véritable porte-étendard de la prospection à la Jacob Collier, tout en démontrant les capacités vocales de Jacob très inspirées de la soul. Peu de musiques simplement vocales arrivent à trouver une telle force qui contraste avec une douceur tout aussi rare.

  • Down the Line : Quand on écoute un album, on a tous quelques chansons qui passent plus inaperçues que les autres. Pour moi, elle en fait partie, même si elle en vaut franchement la peine (solo de piano magique, certaines impressions bizarres, comme la musique qui traîne avec les quintolets ou les sons d'orgue très saccadés en contretemps). On a tout de même un style plutôt en accord avec ce qu'on avait déjà dans Woke up Today.

  • Now and Then I Think About You : Peu de choses à dire, c'est un peu la "piste bizarre du milieu d'album". Elle sert surtout à introduire Saviour.

  • Saviour : La musique avec un clip dément de plan-séquences. La forme est ici plus reconnaissable, on distingue clairement un refrain, sacrément bien harmonisé. La musique termine par une partie plus répétitive, qui reste en tête, et qui rend à mon goût la musique inutilement longue. Mais je pense que c'est là le coté gospel de Jacob qui ressort.

  • Hajanga : Celle-ci ferait plutôt écho à Hideaway par la présence des cordes, mais on tombe rapidement dans autre chose, quelque chose de beaucoup plus festif, qui commence à nous donner un avant-goût des orchestrations de Jacob Collier, et donc de ce qui sera entrepris dans Djesse Vol.1.

  • Flinstones : On en arrive à la perle de l'album. Reprise du générique des Pierrafeu, ce qui montre déjà que finalement tout texte est prétexte à écrire de la grande musique. Mixage démentiel, démonstration des capacités vocales de Jacob, solo de mélodica tout aussi virtuose concertant avec la voix, harmonies particulièrement croustillantes... Mais ce qui est surtout impressionnant, c'est la virtuosité de composition dont il fait preuve ici. Il regorge d'idées, et Flinstones en est l'une des plus révélatrices. Évidemment, c'est celle-ci qui lui rapportât le second Grammy Award.

  • In The Real Early Morning : Beaucoup plus modeste, cette pièce-là cherche plutôt à faire comprendre son texte, d'où la sobriété de l'instrumentation. La délicatesse de cette musique est soutenue par une un son de piano très doux et un mode de fa apaisant. Toutefois, ne comprenant pas l'anglais, cette musique me touche beaucoup moins que d'autres.

  • Don't You Know : Très répétitive, sûrement trop, je la trouve personnellement inutilement longue... C'est un pur ressenti : je n'apprécie pas cette musique, et c'est pourtant avec elle que j'ai découvert Jacob Collier. Je recommanderai plutôt la version avec Snarky Puppy, plus riche, plus colorée, plus variée, plus osée, et avec un meilleur solo.


J'espère que ces courtes analyses individuelles pourront toutefois donner une idée du potentiel que renferme Jacob Collier. Il est je pense l'artiste le plus inventif du moment, et n'a de cesse de nous prouver qu'il a encore de l'idée et des capacités à en revendre. C'est de la musique qui mériterait des explications bien plus détaillées, il ne faut pas se contenter de ce qui est écrit ci-dessus ; le mieux reste, évidemment, d'écouter.

Monsieur_Cintre
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le 14 févr. 2019

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