Chronique de concert : NMH au Trianon
À l'heure où j'écris ces lignes, ce concert est vieux de presque 4 mois. J'avais dans ma tête une chronique pour ce concert. Un texte fantasmé dans lequel je me voyais, fébrile, tâcher de retranscrire à grand renfort de métaphores l'atmosphère du concert ; applaudir la qualité des interprétations, vanter la joie des musiciens à jouer ces vieilles rengaines passées depuis à la postérité comme si c'était la première fois ; décrire, les yeux humides, ce public conquis, uni par la musique, qui pogote allègrement en braillant à pleins poumons ces paroles apprises par coeur pour les renvoyer à un Jeff Mangum barbu, digne dans son statut de messie involontaire, qui ne peut que nous remercier sobrement entre chaque morceau, le poing sur le coeur et la voix chevrotante. Je me voyais retrouver foi en l'humanité en dessinant le portrait incroyable de ce père de famille bâti comme un roadie de Metallica, qui protégeait sa petite famille de la foule déchaînée en se posant là, comme un roc hilare contre lequel nous rebondissions entre "Song Against Sex" et "Ghost" avant de repartir jouer des coudes vers d'autres moites horizons. Je me voyais enfin composer un éloge funèbre à mon casque piétiné, triste spectacle qui peine pourtant à ternir le souvenir du concert.
J'avais tout ça en tête en sortant du Trianon, j'en agençais mentalement les différentes parties sur le chemin du retour, avec à terme le projet de pondre un texte à chaud dès mon arrivée dans ma petite banlieue. Un texte forcément passionné, encore tout imprégné de l'expérience live. Une fois devant l'ordi, panne sèche. Je suis là, béat, face à la page blanche ; mes oreilles encore bourdonnantes me hurlent qu'il y a un million de choses à dire sur ce concert, pourquoi serais-je incapable d'en écrire ne fût-ce qu'une seule ? C'est peut-être bien ça justement, le problème. Trop de moelle à extraire, trop de souvenirs à hiérarchiser, trop de passion déjà entretenue pour leur album iconique et réactualisée par le live... Complètement dépassé par la tâche, je n'ai pu que me résoudre à aller me coucher, dépité.
Je ne saurais rédiger une chronique "propre" de ce concert, pour la même raison que je me refuse de rien écrire à propos de In the Aeroplane Over the Sea : c'est trop intime, trop personnel. J'aurais trop à dire et l'esprit pas suffisamment ordonné pour le traduire correctement. Ce serait comme laisser ce rêve récurrent dans lequel je me retrouve à poil devant tout le monde à l'école devenir réalité. Cette musique me plait, plus que toute autre musique, peut-être précisément parce que je n'arrive pas à mettre des mots dessus, parce qu'elle demeure hors-champ, au delà de toute tentative de rationalisation. Je ne ferai pas l'erreur de briser la magie en tentant de l'analyser.
Quand à la qualité du concert... Vous je ne sais pas, mais perso quand je me retrouve encore à court de mots plus de 3 mois après, à balbutier des propos incohérents sur mon amour absurde du groupe comme si je tombais - encore - en religion ; je me dis que ce n'est pas rien. Je me dis aussi que je suis un sacré imbécile, mais un imbécile du genre heureux.