Que dire de cet album ? La schizophrénie totale du premier morceau , parfait reflet 60 ans à l'avance de ce qu'allait devenir l'homme du 21ème siècle, (nous y sommes) établi avec sa puissance et sa démence toute la partie heavy de l'oeuvre de ce roi pas si cramoisi que ça!
On courre vers le téléphone pour renouveler sa prescription de calmants ou de tisanes c'est selon...
Une fois les calmants pris , le morceau qui suit est le miroir parfait de notre engourdissement et ce dont on avait besoin. ”J'ai parlé au vent, j'ai été ici et là et entre les deux...dit l'homme straight à l'homme en retard...j'ai parlé au vent et mes mots sont transportés au loin , mais le vent n'entend pas , le vent ne peut entendre...” Bon avec des paroles comme ça, il est clair que le parolier en fume du bon.... et le morceau est sublime, la délicatesse de Fripp à la guitare est somptueuse et la flute s'envole dans le vent....Nous somme possédés et impressionnés, l'esprit obsédé par cette musique “hypnotiquement” calme et ensorcelante...Comme pour oublier la désintégration de l'humanité à venir..
Et les prophètes écrivent sur les murs et sur les instruments de la mort s'annoncent les pires prophéties ...et chaque homme est déchiré par ses rêves et ses cauchemars c'est la fin. Silence et confusion. Il est temps d'écrire son épitaphe. Car demain je pleurerai.. Les paroles sanguinaires sur une musique alternant l'apocalyptique bombe atomique et un romantisme digne de Beethoven ,Epitaph nous envoie dans les astres ! Il ne faut pas oublier que ses musiciens sont nés autour de la première guerre mondiale, qu'ils content comme premiers hippies et que , bien avant le no future punk, ils étaient conscients. Mais contrairement au punk, ils savent utiliser tous les instrument , la voix et la technologie pour jumeler leurs mots à une musique miroir. Immense prétention , sans confusion, sans ratés. Totale osmose qui ne sera réussi que par VDGG, ultérieurement ! Et le morceau s'évanouit dans une puissance symphonique jamais atteinte par aucun groupe...il est temps en effet de pleurer...
Il est bon de retomber sur terre pour le temps qu'il nous reste à y passer...L'enfant de la lune est une hippie qui attend le soleil sur la montagne. C'est une enfant de la lune qui ramasse les fleurs dans le jardin, qui dérive dans l'écho des heures, faisant de la voile sur le vent, faisant des ricochets avec des pierres sur la danse du soleil, jouant à la cachette avec les fantômes du crépuscule...Oh Moonchild tu apaises avant la symphonie finale et après l'épitaphe terrible! Sublime morceau tracé en douce délicatesse par des cymbales et une voix presqu'enfantine. Et que dire de Fripp qui notes par notes éclairent les étoiles du ciel de la cour du roi cramoisi?...L'or brille par éclats dans la nuit, des portes d'improvisation s'ouvrent , l'esprit vagabonde et nous aussi faisons de la voile sur le vent, jusqu'à cette ritournelle enfantine qui finit le morceau...
Le mellotron explose l'atmosphère douce et la voix de Lake s'élève pour nous annoncer que: ” 3 petits au-revoir s'élèvent dans une langue ancienne pour la cour du Roi Cramoisi. La reine noire donne le pas à la marche funèbre... En sortirons-nous vivants ? pendant que les veuves pleurent et que les bouffons jaunes ne jouent pas et tirent les ficelles et sourient quand les marionettes dansent ”
Métaphores sur métaphores Sinfield (le parolier) trace le portrait du pouvoir et des esclaves dudit pouvoir. La musique grandiose soutenu par un choeur ne peut que sublimer le tout dans une puissance jamais revisitée si “symphoniquement” par le groupe. Starless dernier morceau du groupe ( tout ce qui suivra dans les 80's sera bien pâle ) y fera écho par la démesure mais non par son côté symphonique.
King Crimson nous sert ici une galaxie musicale unique , à l'image de la pochette qui sera l'unique création de l'artiste car il mourra après l'avoir fait. Symbiose totale de l'oeuvre, de la destinée et du moment artistique qui avale les étoiles, les rois et les bouffons...