Lâcheté et mensonges
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Après l’énergie débordante de leur premier album (quatre ans déjà !), Garage is Dead, et l’approfondissement de leur style avec le mal-nommé Full of Joy, les Rennais de Clavicule reviennent cette année avec Incoming Blaze, un troisième disque qui semble toujours brûler de la même intensité inextinguible. Fidèle à ses racines – garage rock et toutes les bonnes choses qu’on y associe généralement -, décidé à explorer des terrains plus sophistiqués sans trop sacrifier de sa rage, le quatuor confirme ici qu’il est l’un des porte-étendards de la scène rock rennaise, et donc française, de 2024.
Car, alors que leurs précédents opus célébraient un chaos à la fois extrême et jubilatoire via des riffs imparables, Incoming Blaze se distingue par une approche que l’on qualifierait de plus ambitieuse si l’on aimait abuser des stéréotypes habituels (après tout, comme on l’écrivait récemment à propos du troisième album de October Drift, le plus gros des stéréotypes, mais pas le plus faux, c’est bien que le troisième album d’une carrière musicale « doit être » celui de la maturité…). Mais Incoming Blaze est surtout leur album le plus « ouvert », vers le monde – qui va très mal – et vers leur public – qu’l s’agit d’embarquer et d’enchanter. Ces nouveaux morceaux se construisent toujours sur des structures solides, mais permettent de nouvelles échappées vers d’autres horizons musicaux. Les guitares restent acérées, flirtant parfois avec des accents post-punk, et la section rythmique trouve une profondeur qui magnifie chaque instant. On est peut-être en train de délirer, mais on croit bien sentir ici une convergence avec des gens aussi importants de notre époque que The Hives ou Ty Segall, évidemment filtrée par une sensibilité différente…
Les textes, souvent emprunts d’une rage communicative, sont… engagés (un terme que l’on n’utilise pas assez souvent pour qualifier un rock français actuel moins préoccupé par les menaces politiques ou écologiques qu’il le devrait), et capturent l’essence d’un monde en proie à des contradictions insoutenables, générant des tensions terribles. Mais, au delà d’une belle exécution technique sur cet album impeccablement écrit et produit, Clavicule apportent une fraîcheur et une honnêteté qui transforment leurs meilleures chansons en une claque retentissante.
Embers est la courte introduction, à la fois menaçante et atmosphérique, qui nous laisse imaginer pendant une minute que Clavicule vont partir vers totalement « autre chose ». Fausse piste, néanmoins : All These Boys est le juste mélange explosif de guitares nerveuses et d’une mélodie bien affirmée. L’énergie est toujours là, même si l’on discerne une légèreté accrue dans un son… jusqu’à un final hyper puissant qui fait son petit effet. I Know confirme l’évolution du groupe vers ce qu’on qualifiera avec eux de « post-garage » (encore une nouvelle étiquette, mais qu’importe !) : c’est certes violent, mais pour monter en intensité, le groupe va chercher désormais une ferveur émotionnelle nouvelle. Eat The Light affirme l’élégance des riffs : tiens, on pourrait faire un parallèle entre cette manière d’alléger leur style musical avec l’évolution du QOTSA de …Like Clockwork ! Stress Notice est une chanson presque souriante, franchement pop cette fois, même si la férocité transparaît, et heureusement, à l’occasion de montées de tension.
La seconde face s’ouvre, comme il se doit pour relancer la machine, avec Scum Manifesto, sur le premier titre purement punk rock : c’est acéré, ça relaie l’engagement du groupe qui critique les structures patriarcales avec une intensité convancante. Future Memories pointe une influence Pixies – bien digérée, certes – que l’on n’avait pas forcément identifiée jusque là chez Clavicule : stimulant ! Thrive in Distance montre cette fois que les Rennais ont retenu les leçons données généreusement par The Hives depuis des années, et que l’exhubérance communicative est autant possible en Bretagne qu’en Suède. Celle-là, on l’attend avec impatience sur scène ! This Is How We Forget est le titre le plus complexe de l’album, avec des variations d’intensité stimulant l’attention de l’auditeur, jusqu’à des appels forcenés à la frénésie générale. Clôturant l’album, In Decline semble opter pour une conclusion quasi mélancolique, pour chanter notre déclin écologique et sociétal, mais, fausse alerte : la rage explose, inextinguible.
Ce qui distingue donc réellement cet album de ses prédécesseurs, c’est son équilibre : jamais poli au point de s’éloigner complètement de la brutalité essentielle du rock de Clavicule, ni trop violent pour en perdre sa lisibilité, Incoming Blaze démontre une maîtrise nouvelle de l’énergie du groupe. Ce qui pourra, c’est vrai, frustrer les puristes du garage extrême, mais ravira ceux qui cherchent une réinvention du genre.
Avec cet album, Clavicule ne se contentent pas de survivre dans un paysage musical français désormais bien peuplé de groupes passionnants, mais poursuivent leur marche en avant, mûs par cette force motrice qu’on leur connaît depuis leurs débuts.
[Critique écrite en 2024]
https://www.benzinemag.net/2024/12/13/clavicule-incoming-blaze-force-motrice/
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il y a 4 jours
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