Hier soir je suis allé lors d'un Festival découvrir Festen. Un vrai choc. Pour tous ceux qui ne voit dans le Jazz qu'une succession de morceaux plus ou moins identiques ou se succèdent des solos qui mélange avec allégresse musique et virtuosité, courrez acheter cet "Inside Stanley Kubrick".
Festen est un groupe français qui se compose de Damien Fleau saxophoniste incantatoire, Maxime Fleau batteur épileptique génial, Jean Kapsa dont le piano mi hypnotique mi lyrique passe intelligemment du rythme à la musicalité simple et sensible, enfin Oliver Degabriele dont la basse est toujours juste, complexe et qui souvent stimule le piano ou soutient la batterie. Ces quatre là jouent pendant 1h30 ensemble. Il n'y a pas cette succession conformiste de solo, ou chacun espère que la contrebasse ait techniquement autant de chose à dire que le piano. Le Jazz est mort une nouvelle fois, vive le Jazz. Depuis que j'ai découvert cette musique elle n'a jamais cesser de mourir et de ressusciter, un Phœnix stylistique qui tient à une seule de ses nombreuses qualités ; le Jazz est libre il n'est pas unique mais multipolaire et chacun peut y ajouter sa propre sensibilité.
Le Free Jazz a laissé longtemps une place vide que personne n'osait prendre, puis peu à peu le jazz progressif blanc et écrit, nordique ou improvisé à prit le dessus. Aujourd'hui de nombreux groupes dont les musiciens se cachent derrière un nom générique, détruisent le principe du leader pour ne garder que l'unité d'un ensemble, c'est formellement et musicalement inspiré par les grands groupes d'alt-rock d'un côté avec la liberté formelle hypnotique d'un Coltrane. Ici, en plus, se rajoute un contexte, un concept que les Floyds n'auraient pas renié, un hommage au cinéma et pas n'importe lequel. Festen nous propose un voyage en 10 films, ils nous invite dans un dédale, un labyrinthe à travers les méandres eclectiques et musicaux des œuvres de Kubrick. Il appartiendra à chacun d'en reconnaitre les citations, elles ne sont pas cachées comme souvent le jazz sait les dissimuler. Non, elles sont évidentes, enivrantes. Oui cela fait 24h que je n'arrive pas à me distancier de la puissance de leur musique encore plus impressionnante en live qu'au disque. Oui, moi qui suis un inconditionnel du streaming haute fidélité, je viens de m’acheter leur disque, non pas à cause d'un quelconque souci de possession, non, c'est juste un message un encouragement admiratif.
J'entends déjà les vieux grincheux, ceux-là même qui reconnaissent dans le Jazz du film Whiplash une quelconque légitimité dire que la musique de Festen est trop influencé par la pop, avec dans le mot "Pop" un petit dédain dont ils essaient de cacher la condescendance. Ils oublient que Weather Report faisait déjà du Jazz Rock il y a presque 50 ans et que si le Rock a changé le Jazz aussi.
Merci à Festen pour ce grand moment de musique, et merci aussi à Laborie Jazz, un label intelligent qui promeut des artistes de qualité, et qui donnent de la visibilité à une musique qui l'est tout autant.