Intimacy
6.3
Intimacy

Album de Bloc Party (2008)

Entre ses deux premiers albums, Bloc Party était parvenu à franchir un pas de géant. Intimacy témoigne d’une volonté louable de prolonger la maturation et la métamorphose, d’éviter à tout prix les écueils de la routine et les redondances paresseuses. Cette fois encore, le groupe affiche ses très hautes ambitions en s’aventurant sur des terres hostiles, parcourues d’orages métalliques et recouvertes de broussailles technoïdes. Le parti pris est indéniablement courageux, mais force est de constater que les premières mesures du disque procurent un curieux sentiment de malaise. On connaissait la passion maintes fois avouée de Kele Okereke et de ses camarades pour les musiques électroniques et la dance. On ne s’attendait pourtant pas à les redécouvrir en clones des Chemical Brothers. Ares et Mercury forcent d’emblée la dose, le temps d’une relecture pas très prodigieuse des scansions hystériques de Prodigy. Le climat redevient ensuite plus familier. Ainsi, sur Halo ou One Month Off, les tensions électriques des guitares parfaitement maîtrisées servent de toile de fond aux confessions amoureuses désabusées d’Okereke (pas facile, visiblement, de draguer en tournée, même quand on est jeune, beau et célèbre). Et, sans qu’on y voie aucune allusion malveillante à l’élocution parfois hésitante de ce dernier, c’est encore quand Bloc Party bégaie qu’il se montre le plus convaincant. Bien davantage, en tout cas, que lorsqu’il se pique de mêler à ces nouvelles sonorités electro des chœurs classiques à la Carmina Burana (Zephyrus) ou que Russell Lissack laisse s’émousser ses guitares si tranchantes au contact de Van Halen (Trojan Horse). Pour son refus salutaire de se contenter d’une esthétique terre-à-terre, Bloc Party mérite indéniablement le respect, même si cette tentative d’envol vers de nouveaux soleils musicaux le conduit, ici, à se griller quelques plumes. Parfois, la fortune roussit les audacieux.


Drôle d’idée. Publier son troisième album sans prévenir, ou presque, en plein milieu d’un morne mois d’août. Ne l’annoncer que quelques jours avant sa mise au monde -retrouver la surprise, l’instantanéité, l’excitation collective explique Kele. Les Raconteurs l’ont fait, c’était raté. Radiohead l’a fait aussi, c’était réussi. Bloc Party le tente à son tour, et c’est la victoire, glorieuse, comme les boys d’Oxford -on ne compare d’ailleurs jamais assez souvent Bloc Party à Radiohead. Car Intimacy est, effectivement, un brûlot terrible, et une immense surprise ; c’est le coup d’un soleil atomique que l’on n’attendait pas. On sait, depuis la genèse, que Bloc Party est fait pour durer. Mais on ne l’imaginait pas capable de se réinventer à ce point, jusqu’à l’extrême. Le précédent Weekend In The City était excellent, Intimacy est deux stratosphères au-dessus : c’est, pour le groupe comme pour ses auditeurs, une formidable renaissance. On redécouvre, comme neufs, comme jamais vécus, le choc, la fureur, l’admiration, le frisson électrique des premiers singles. Car les Londoniens n’avaient, jusque là, jamais si bien entremêlé leurs désirs de novations violentes et leurs massives prétentions pop : froids ou bouillants, piquants ou sucrés, le plus souvent tout à la fois car c’est le génie du groupe, les morceaux d’Intimacy sont instantanément puissants, bondissants, attirants, et d’une bravoure à peine croyable. Dédales électriques, électroniques, mélodiques, rythmiques, sensitifs, les angles très aigus du premier single Mercury, l’impressionnante et brave ouverture Ares, les courbes magnifiques de la clôture Ion Square ou de Signs, le tube rugissant Halo ou l’acide Trojan House ne sont pas faites pour tout le monde. Mais tout le monde aimera : on ne compare jamais assez souvent Bloc Party à Radiohead. (Inrocks)
La commercialisation de la musique évolue à vitesse grand V. Il y a quelques mois, on se demandait si la sortie surprise, par les artistes eux-mêmes, en téléchargement libre d'un nouvel album deviendrait le nouveau modèle, aujourd'hui on sait que ce n'est pas viable. Reste cependant, dans l'attente d'une sortie CD, la possibilité de créer un mini-événement et de focaliser l'attention. Bloc Party en avait bien besoin, suite au semi-échec de " A weekend in the city", pour ne pas retomber parmi le commun des groupes qui ont loupé la marche du second album. Choix pertinent donc. On ne saura non plus trop louer leur choix de s'être vite remis au travail, de ne pas s'être retourné la tête pendant trois ans pour savoir comment rebondir. Sur la forme de ce nouvel album lui-même, il faut également reconnaître que les anglais ont tiré quelques leçons du précédent. Ils ont ainsi décidé de ne plus s'attarder sur les morceaux introspectifs et de renouer avec des morceaux courts et incendiaires. Choix là encore à priori raisonnable. A l'écoute de Halo ou de Trojan Horse, il sera aisé de reconnaître que ces pièces ont de véritables qualités fédératrices qui devraient leur permettre de s'inviter sur les ondes. Mais le premier bémol, c'est qu'elles n'offrent rien de nouveau en terme d'écriture ou de dynamique. Ce sont au mieux de bon calques de Banquet ou d'Helicopter, mais on a vite le sentiment que cette formule n'est pas extensible à l'infini. C'est donc sans surprise qu'un sentiment de lassitude s'installe lorsqu'on se surprend à identifier un riff répété à l'envi (One Month Off), le même schéma mélodique (Zephyrius). Au niveau de la production, il apparait que le groupe n'a pas souhaité revenir à un son trop simple, mais plutôt choisi de persister dans la volonté de mêler instruments et rythmes électro. Encore une fois, démarche positive, mais le problème, c'est qu'autant un jeu approximatif n'est pas forcément fatal lorsqu'un groupe s'en tient à un schéma guitare, basse, batterie, autant les choses deviennent plus compliquées lorsque le canevas sonore se complexifie. Ici, un morceau comme Mercury manque cruellement de précision, Better Than Heaven emplile des éléments disparates qui finissent par faire virer le morceau à la cacophonie. Il n'est pas question d'enterrer le groupe pour autant, car ils démontrent tout de même une belle pugnacité, une foi en leur étoile et une véritable volonté d'aller de l'avant. Seulement, on en sait aujourd'hui définitivement plus sur leurs limites, et il ne leur sera pas facile de les surmonter. (indiepoprock)
Le groupe, par choix ou par erreur, a sorti son album sans prévenir. La presse anglaise ne l'attendait pas, les fans ne l'attendaient pas, le dancefloor n'était pas près. "Silent Alarm" résonne encore dans les oreilles de tout le monde, "Week-End in the City" a confirmé la sensation en envahissant les clubs indies où l'on danse. "Intimacy" saute le pas et installe Bloc Party comme un groupe sur lequel on peut compter. Les chansons sont implacables. Grosses guitares, énormes rythmiques et chants rageurs, les publics de tous les festivals où le groupe est passé cet été sont en transe. Le groupe a fait d'énormes progrès et délivre ici ses meilleurs titres. Seul petit "hic" : certaines chansons sont un peu longues et auraient gagné en impact si elle étaient restées sous la barre des 4 minutes. (popnews)
La réputation de groupe majeur glanée par Bloc Party depuis son apparition en 2004, tient beaucoup plus de son premier album “Silent Alarm” que du second “A Weekend In The City“. Non pas que ce dernier soit moins bon, juste différent, illustrant la volonté du combo anglais de ne pas s’endormir sur ses lauriers, à évoluer malgré sa jeunesse, quitte à en payer le prix. Ainsi, les quatre ont laissé sur la route quelques auditeurs qui ne s’y retrouvaient finalement plus, et à qui ils retendent la main avec “Intimacy”, nouvel album se présentant comme le juste compromis d’un début de carrière placé sur un piédestal. La constatation n’aura rien d’une révélation pour les fans du groupe ayant découvert cette nouvelle salve en août dernier, lors de sa sortie digitale anticipée qui lui aura permis de tâter le terrain médiatique. Ce n’est donc qu’en cette fin octobre que “Intimacy” s’ouvre réellement au monde, dévoilant avec lui une approche parfois tubesque héritée de “Silent Alarm”, et enrobée d’une production chiadée, pour ne pas dire trop généreuse, comme ce fut le cas lors de son dernier effort. On assiste ainsi, heureux, au retour de morceaux directs (sans conteste, “Halo” sera son nouveau “Banquet”), comme au léger retrait de ce qui apparaît encore aujourd’hui comme une volonté de compliquer les choses quand il n’y avait pas vraiment lieu de le faire. Et là, Bloc Party, par quelques éclairs, parviendra à mettre tout le monde d’accord, en exposant sa capacité à jouer sur ces deux tableaux, comme sur “Ares”, ouverture surprenante et pleine de promesses, ou “Biko” et “Signs”, émouvantes ballades electro pop. Mais, piégé par de trop grandes inégalités, “Intimacy” s’essouffle encore et toujours à courir après le début de carrière fulgurant de Bloc Party. “One Month Off” peine à convaincre, et quand résonnent “Zephyrus”, ou les bordéliques “Mercury” et “Trojan Horse”, une cruelle vérité apparaît soudainement: avec ses velléités de groupe aussi accessible que novateur, le quatuor n’arrive jamais à prendre le pas d’un TV On The Radio se rapprochant, lui, progressivement de la perfection. Mais, attention, n’allez pas en conclure que Bloc Party chute lourdement: le talent et les idées sont incontestablement au rendez-vous. Ne manque plus qu’à les canaliser. (mowno)
bisca
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le 13 mars 2022

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bisca

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