Chronique de Concert : Disappears à la Maroquinerie
C'est intéressant de se mettre à faire des concerts après des années de réclusion et d'autisme musical. Pas que je rechigne à mettre les pieds hors de mon antre, c'est plutôt qu'à choisir j'ai toujours préféré investir mes finances en nourrissant mon avidité matérielle plutôt qu'en risquant la sensation live dans tout ce qu'elle peut avoir... D'aléatoire. Récemment et heureusement, le vent a tourné, et le temps vint de dire temporairement fuck à mes disques adorés pour céder à l'appel du grand air. C'est intéressant disais-je donc, car c'est une toute autre face des groupes que l'on voit apparaître dès lors que l'artifice du studio ne se dresse plus entre eux et nous. Ce soir là, par exemple, c'était au tour de Disappears de se mettre à nu, précédé par The Oscillations et Butch McKoy. Pour pallier à mon inculture, je m'étais écouté le dernier disque des deux premiers – tant pis pour Butch – peu avant le concert et j'avais préféré les oscillants aux disparus. Mais alors, une fois à poil, c'est kiki qu'a la plus grosse, hmm ?
M'enfin, commençons par le commencement, c'est à dire ni l'un ni l'autre des deux groupes. Le premier à ouvrir le show c'est bien Butch McKoy, ex-chanteur de I Love UFO me susurre-t-on dans l'oreillette. Nous n'assisterons qu'à la moitié du set d'ailleurs ; X-meeting à la bière oblige. C'est un Butch en plein effort que nous rencontrons, qui gratte nonchalamment sa gratte en gémissant de sa voix caverneuse 16-horsepowersque (une médaille à Lok pour la comparaison) dans le micro. De l'avis de Chaos, ç'en était presque chiant... jusqu'à ce que le poto de Butch ne débarque. Alors lui c'est visiblement le mec à tout faire ; une guitare dans une main, une baguette dans la deuxième et la troisième sur les claviers – j'ai pas pu vérifier, mais si ça se trouve il avait un tambourin attaché à la cuisse droite et un klaxon sous le pied gauche. Le mec se met donc à taper comme un bœuf sourd sur son mini-kit de batterie pour emporter la chanson trainante vers des hauteurs bien plus en-trainantes. La suite et fin du set se déroule dans cet esprit ; un bon souvenir donc et un chauffage de salle tout à fait décent pour préparer celle-ci aux Oscillations. Anecdote rigolote ; mister Butch McKoy, avec son nom de bon gros redneck et sa pilosité abondante, est en réalité un p'tit français avec une p'tite voix qui nous remercie et nous donne rendez-vous au merch'.
Une bière-clope plus tard et nous voilà de retour juste à temps pour voir The Oscillations commencer leur set. Enfin juste à temps... Façon de parler, le premier morceau a déjà commencé et nous voilà perdus au fond d'une Maroquinerie bondée. The Oscillations, si vous avez bien suivi, étaient censés être le clou de ma soirée. Comme quoi, tout le monde peut se tromper. Le set ne fut pas mauvais, seulement extrêmement redondant. Tout était redondant ; les morceaux en eux-mêmes et les morceaux entre eux. La formule du groupe est usée jusqu'à la moelle depuis aussi longtemps que le krautrock existe, mais en studio les oscillants parvenaient à insérer une nuance salvatrice qui nous intriguait jusqu'au bout. Ici, malheureusement, aucune de ces nuances ne se fait sentir. Pour chaque morceau le groupe pose une ambiance pendant la première minute... Et s'y tient tout du long, avec des solos de guitare du leader pour remplir le vide. Et chaque fois c'est pareil. Tout le temps. *baille*. Et autre détail d'importance ; on a pas réussi à se mettre d'accord entre nous, le claviériste était-il un homme ou une femme ? Le débat a fait rage sans qu'on parvienne à un consensus, Chaos tenta même hardiment le compromis shemale ; si vous avez une votre point de vue à ce propos n'hésitez pas à nous le faire savoir dans le topic correspondant.
C'est enfin au tour de Disappears de débarquer. Pour éviter la même déconvenue que pour The Oscillations, nous voilà au deuxième rang bien avant que le show ne commence. L'ami Butch est mon voisin de droite, je tâche de ne pas défaillir. Et pour vous décrire la musique du groupe en cette soirée, il me suffira d'expliquer en quoi l'attitude d'une bruyante minorité du public était déplacée (pour être poli). Dès la première ou deuxième chanson des natifs de Chicago, le bordel commence à ma droite. J'ai rien contre les pogos, croyez-moi, j'étais ravi de ressortir couvert de bleus de mon concert de Neutral Milk Hotel, mais merde y a un moment pour tout les gars... Disappears c'est certes du rock, avec un côté tribal sur les bords, mais c'est surtout contemplatif. Hypnotique. Un peu comme ce qu'essayaient de faire les oscillants de tout à l'heure mais en plus réussi car plus vivant. C'est loin d'être un appel à l'anarchie. Ce que n'ont de toute évidence pas pigé les connards à ma droite (pas toi mon Butch) qui n'ont pas cessé de pogoter comme des débilos anachroniques en emmerdant tout le voisinage. Ce fut certes l'occasion d'entendre une Lady Godiva balancer un hargneux " casse toi connard ! " à l'un des empaffés et de voir un Chaos en plein conflit interne (" normalement j'y vais, mais là faut pas, j'suis trop vieux pour ces conneries oukoi ? ") tâcher de justifier sa stature en repoussant calmement les hardis projectiles, mais quand même.
En somme, chapeau tout de même à Disappears, qui a su tenir la baraque et me convaincre en live là où le disque restait hermétique. C'est une approche tout à fait originale que le groupe a choisi, s'éloignant du rock à tendance kraut de Pre-Language. Du coup j'irai me re-farcir le petit dernier en attente de la félicité. La soirée ne s'est pas arrêtée là, mais ça les enfants, c'est une tout autre histoire !