Non sérieusement, en france on a un problème avec le rock'n'roll. Pour faire simple efficace (et un peu mesquin, mais bon, pour paraphraser un rapeur terroir 'si ça t'plait pas, tu lis pas et pis c'est tout'), ça commence avec Johnny, ça se poursuit avec les Inrocks, et ça finit avec Renaud qui fait huer Lennon à la fête de l'huma.
Voilà, ça c'était pour piquer votre curiosité - je ne suis pas particulièrement fan de Lennon, ni de la comparaison célèbre avec le vin anglais, mais force est de constater que la majeure partie de ce qui s'est jamais fait de pertinent (ie. appréciable par des gens hors de notre culture et pas parce que ça fait so français) en rock français est inconnu du grand public, et que parallèlement, ce que la majorité des français connaissent du rock, c'est ce que la télé (et, en général, les médias de masses alliés à l'industrie de la musique) leur a fait découvrir. C'est pauvre et lacunaire.
Maintenant : les Wipers.
Pour rentrer dans les banalités, on dira que ce groupe, hormis quelques rares tournées américaines et européennes (en Grèce et en Allemagne), a surtout gagné une renommée conséquente à partir du moment où Kobain en a parlé dans des interviews comme une source majeure d'inspiration (d'ailleurs, Nirvana a repris au moins deux chansons d'eux, ce que la plupart des fans ignorent, et pour vous forcer à chercher je ne vous donnerai pas les noms).
Et c'est somme toute logique puisque les Wipers, issus de l'Oregon, sont géographiquement les voisins du Washington State. Et puis écoutez un peu - pour être honnête, plutôt les albums des années 1980 que celui-ci - et la parenté avec tout ce qui, dans le "grunge" (guillemets car en faire un style à part est litigieux), descend du "punk" (guillemets car c'est un méta-style plutôt qu'une école unifiée) vous sautera littéralement aux oreilles. Pour faire simple, c'est un peu le chaînon manquant entre les classiques du punk US et Nirvana.
Voilà, avec ça, je devrais en avoir convaincu une tripotée d'essayer un peu.
Pour les autres, je vais recentrer cette critique par trop généraliste sur cet album en particulier.
Musicalement, c'est du Ramones en plus complexe. Oui, c'est une antithèse ce que je viens de dire. Pour le dire autrement, un son de guitare épuré, franc du collier, et souvent très répétitif, MAIS avec des éléments de composition plus aboutis, des riffs plus variés, une importance plus grande apportée aux autres instruments, ainsi que des paroles quand même un peu moins minimales (même si bon ça reste simple, disons ça ne joue pas la carte de la débilité) et qui sont plus personnelles, parlant de rébellion, d'isolement, bref, le registre de l'ado des classes moyennes perdu dans ses US uniformes et déshumanisés (d'une certaine manière c'est plus honnête que la majorité du rock américain, et là encore, ce réalisme social anticipe la tonalité Kobainienne).
Si j'ai mis 10, c'est parce que cet album est le premier, et peut être aussi le plus équilibré (en termes d'efficacité de chaque piste) des Wipers, mais attention, les autres valent aussi leur pesant d'or ne serais-ce, comme dit plus haut, que pour comprendre l'influence stylistique qu'ils ont eu sur le reste du rock indépendant américain.
Car finalement, l'indépendance est bien LE trait qui caractérise les Wipers : faire leur propre son, à leur sauce, sans l'avis de personne - prendre des petits bouts de trucs et les assembler ensemble, et fabriquer ses propres amplis, et faire ses propres skeuds avant que tout le monde (bon à part le Black Flag originel et quelques autres, soyons honnêtes) se mette à faire du rock comme ça. C'est du DIY de fond en comble à une époque où même chez les punks ce n'était pas une évidence (petit rappel, 1979 c'est aussi l'année de "punk is dead", et si vous savez pas de qui, éduquez-vous, ignares !).
Alors certes c'est plus mélodique, plus calibré-studio, plus intello-sensible que le punk de l'époque, à tel point que certains y verront plutôt quelque chose de rattachable à ce qu'on nomme "post-punk" ; mais néanmoins ça envoie du bois, ça reste dans la tête, et ça sauve de la déprime, et de l'uniformité de la culture musicale qu'on nous vend !