Dans l'ombre de son petit frère
Nombreux sont ceux qui disent connaitre ce groupe comme leur poche en n'ayant toutefois prêté une oreille qu'au divin "Loveless" de 1991. Pourtant, trois ans avant ce chef d'œuvre, un disque singulièrement différent voyait le jour : "Isn't Anything" qui, avec le recul, n'a strictement rien à voir avec son prodigieux petit frère. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il me semble tout à fait familier de croiser des fans de MBV qui rejettent ouvertement cet album de 1988 (souvent les mêmes qui ne veulent pas entendre parler de l'EP "You Made Me Realise"), mais également des gens qui préfèrent "Isn't Anything" à "Loveless" (Même s'ils demeurent extrêmement rares).
Pour ma part, aucun problème. J'apprécie énormément cette dualité chez My Bloody Valentine, qui me prouve qu'un groupe talentueux sait être polyvalent.
Comme beaucoup, j'ai découvert "Isn't Anything" après "Loveless". Singulièrement différents, ils débutent pourtant de la même manière, c'est à dire avec des coups de caisse claire. La ressemblance s'arrête là. Si vous cherchiez des guitares qui bourdonnent à la manière de "Loveless", passez votre chemin. Si vous étiez amoureux de la belle voix de Bilinda Butcher, penchez-vous plutôt sur le Maxi "Tremolo" parce qu'ici, c'est Kevin Shields qui pose sa voix sur la majorité des titres.
Pourtant, on sent qu'on a bien affaire au même groupe. Il y a toujours quelque chose de mélancolique dans la tornade My Bloody Valentine, comme en témoignent des titres comme "Lose My Breath" ou le magnifique "Nothing Much To Lose".
J'avais tout de même eu un peu peur, à la première écoute de "Soft As Snow (But Warm Inside)", de ne pas accrocher du tout à la voix de Kevin Shields. Mais finalement, celle-ci s'accorde parfaitement aux émotions que le groupe cherche à transmettre : "Sueisfine", "Cupid Come" et le titre ultime qui est également mon préféré du disque ... tous trois des morceaux cultes qui ont suffit à me faire accepter la présence de Kevin Shields en tant que chanteur.
Cet album n'est donc en aucun cas un prologue à "Loveless", ni une œuvre à oublier. Il est inspiré, beau, et touchant dans ses différences avec la bombe qui tombera en 1991. J'irai même jusqu'à dire que je retrouve une influence indéniable de cette période de MBV dans certains groupes récents, comme par exemple le projet britannique Jesu.
Et force est de constater que My Bloody Valentine ne saurait être le groupe d'un seul album.