Bon sang, ça fait du bien à entendre, un nouvel album d’Akhenaton.
Les textes sont vraiment bons, les instrus, efficaces.
Enfin du rap qui me parle et qui ne parle pas de thunes, de biatch !, de faux gangsters de salon, de mecs de cités qui ont déménagés au centre-ville ou d’égo trip de la faute de C-fran et de la vulgarité.
AKH est un militant, c’est dommage pour lui car ses textes sont trop intelligents pour passer sur Skyrock mais c’est bon pour ce que nous avons entre les deux oreilles.
AKH aime le rap et j’aime Chill !
Voilà une réaction presque épidermique à la première écoute du nouvel opus du Pharaon du rap français.
Après une écoute plus approfondie, mon avis reste le même:
Ce disque d’AKH est une vraie perle
Juste appuie sur « Play » et laisse toi transporter.
Un accord funky qui vacille, ouvre l’album sur un tempo presque lent. On va danser tranquillement, comme sur un slow rap et funky.
Et puis arrive la punchline :
T’es comme une bougie qu’on a oublié d’éteindre dans une chambre vide
Oxmo Puccino, l’enfant seul, le rappeur poète, fidèle allié de la troupe du Côté Obscur et puis une phrase extraite de « les écrits restent » de La Rumeur, encore un groupe de rap conscient, comme on dit...
(«Pfffff… Ça veut dire qu’il y aurait du rap inconscient? Il ne faut pas dire «rap», mais «personne» engagée ou consciente.» dit Akhenaton dans une interview à Libé)
Troisième feat, l’ami, le compère, le comparse arrive soutenir le rythme avec un sample de « comme vous », le frère, Shurik’N.
Voilà les bases de l’album sont posées en quelques mesures. L’album sera engagé et militant, funky et fait en famille.
Tempus fugit est une perle sur la fuite du temps comme son titre l’indique et sur l’homme d’aujourd’hui bâti sur les choix et les blessures d’hier. J’aime à penser, comme AKH, que notre bonheur n’est pas dans les biens matériels mais dans nos valeurs et nos souvenirs.
La suite est tout aussi impressionnante : « Même les anges » un rap doux au texte sombre avec des chœurs murmurés en gospel. Ce n’est pas facile d’émerger quand on nous maintient la tête sous l’eau. C’est pourtant souvent ce qui nous arrive.
Les haineux s’agenouillent à la hauteur de leurs idées courtes
Invoquant Dieu pour souhaiter le mal aux autres
Faut pas s’étonner si c’est le Diable qui vient et toque à la porte
Et puis voilà le pamphlet contre la déculturation. Le nouveau Dieu, le modèle, c’est le € (le heu!!!). Nos valeurs, celles de nos vieux, celles de nos ancêtres, celles de nos cultures ont bien du mal à résister face au clinquant du tout-qui-brille. Tous les moyens sont bons pour s'en mettre plein les poches. Qu’importe les moyens seul le résultat compte. Et dès que tu allumes ta télé, c'est ce qu'on te dit, ce qu'on te montre, dès que tu ouvres un magazine, allumes la radio, sors dans ta lue. C'est dur de résister.
4ème titre : Sooo Bad reprend avec des accents jazzy une sorte d’Egotrip où Akhenaton se compare aux joueurs de Jazz de Harlem des années 30. Il se fait prédicateur, nos temps sont troubles mais ceux qui arrivent plus sombres seront encore :
Je préfère toujours la main tendue, au bras tendu
Akhenaton, Musashi du rap Français tire à boulet rouge sur tous ceux qui se servent des autres pour avancer sans se soucier de les écraser. Il fustige les Facebookeur et les Twittos qui derrière des pseudos se permettent de juger, de tancer la vie des autres. Plus besoins de Big Brother aujourd’hui, (encore une bombe sur ce disque : N°18 -Little Brother Is Watching you), le monde n’a pas changé, les gens sont tous susceptibles d’être des collabos, des petits Big Brothers à critiquer par les fenêtres de leurs consciences étroites, les faits et gestes de leur voisins.
Y’a de l’amour pour sa fille avec « Souris, encore » que j’aime beaucoup.
Y’a de l’humour avec les mots joués avec Veust Lyricist, un ego-trip trop amusant dans la forme pour vraiment se prendre au sérieux sur le fond.
Y’a une respiration avec High Tech Love ou le rappeur laisse toute la place à son featuring Meryem Saci, compositrice, interprète et MC né en Algérie et qui a grandi au Canada. Elle chante depuis 2005 avec Nomadic Massive N°1 du hip hop canadien.
Et ça reprend. Noirceur teinté d’optimisme avec Etranges fruits qui aborde le racisme, la montée du FN. Il y a toujours des sangs purs pour partout donner la chasse aux bâtards. Etrange Fruits fait une allusion directe au morceau de Billie Holiday : « Strange Fruit » qui parle des victimes du Klan pendues aux branches des platanes.
Mais tout n’est pas sombre : « J’aime le rap et le rap m’aime » avec son compère de toujours. Un morceau conçu pour les concerts (ouai, je l’ai vécu sur scène) fait pour faire chanter les foules. Une petite bombe de simplicité et d’humilité. Akhenaton
« Oriundi » une autre bombe de cet album qui décidément ne me déçoit nullement, aborde la diaspora italienne, « oriundi », à travers le monde. Un retour aux sources de l’italo-marseillais dont une partie de la famille vit aux états unis. Les italiens, ces nègres européens, sont partis à la conquête du monde pour fuir la pauvreté, la faim, la guerre. La fanfare, derrière, finit de faire de ce morceau une nouvelle étoile sur le maillot du baladin de la famille Fragione.
3ème partie de « mon texte le savon » commencé dans Sol Invictus et poursuivi dans le « Black Album ». Toujours la même mélodie entêtante signé Nino Rota en fond musical. Toujours la même thématique. Ce qu’AKH nous vend, ce n’est pas du savon mais des phrases, des rimes, des mélodies, son fond de commerce à lui. Merde ça sent la paraphrase comme chapitre
Un dernier morceau en famille avec Faf la rage le petit frère de Surik’N et Perso
Une dernière Bombe avec le génie des platines, DJ Cut Killer. Une véritable tuerie. Mais j'en ai parlé plus haut (tu suis un peu ou tu dors ?)
Un dernier retour sur soi avec immacolata.
Et puis si tu as eu de la chance tu peux découvrir une perle d’humour « Illuminachill ». Alors il y a des triangles sur les pochettes des albums d’IAM ?
Avant de se séparer, tu comprendras aisément à la lecture de ce pavé que cet album m’a vraiment emballé. Ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu un album de rap qui me parle autant. Peut-être parce que Chill et moi avons le même âge, que ses thèmes me sont proches
Séparons-nous sur quelques mots d’Akhenaton :
Dire qu'il y avait cette colère en moi, profonde et étrange,
Nécessaire à mes yeux, obsédé par la revanche Sur la vie, comme si
elle m'avait trahi, ou banni de la liste J'étais de ceux qui dansaient
l'insultant sur la piste En fait on est comme ces gens qui se mentent
La haine est le mal, et la peur est son assistante Même s'ils se
cachent derrière l'offre et la demande Amère est la récolte, si amère
est la semence .
AKH - Mon texte le savon Part.III