En 1969, le rock connaît un tremblement de terre sans précédent, le quatuor le plus célèbre d’Angleterre se sépare. Les Beatles font bande à part et chacun publiera son album solo dès 1970, mais un seul scarabée est au centre de toute l’attention, le fondateur, John Lennon.
John et Yoko vivent une période très sombre au sortir des Beatles, cloîtrés dans leur résidence de Tittenhurst Park dans le Sud-Ouest londonien, dépendant de drogues dures, ils suivent une thérapie à base de cris primaires ayant pour but de faire resurgir les douloureux souvenirs d’enfance de John afin de s’accorder un nouveau départ après cette rupture tumultueuse. Une thérapie interrompue par le départ du couple pour les Etats-Unis.
Peu après, Lennon commence l’enregistrement de son premier album solo aux studios d’Abbey Road. Ces évènements auront un impact important sur la musique de l’ex-leader des Beatles.
L’enregistrement démarre en septembre 1970, avec un groupe nommé le Plastic Ono Band (qui donne son nom au disque).
Ce groupe est composé de Ringo Starr à la batterie, Klaus Voorman à la basse (ayant enregistré avec George Harrison quelques semaines auparavant) mais aussi de l’ami des Beatles, Billy Preston au piano sur God et de Phil Spector sur Love. Bien évidemment, John se charge de toutes les autres parties de piano et de guitare de l’album.
Le disque s’ouvre directement sur un morceau très personnel relatant la tragique relation qu’a vécue John Lennon avec sa mère ainsi que la lâcheté de son père. L’adieu d’un fils à sa mère, l’adieu d’un poète à sa muse. Puissant et poignant, John est a nu dès les premiers instants de l’album.
Hold On et I Found Out sont en totale opposition, l’une est douce et nostalgique, l’autre est l’annonce d’un renouveau rejetant ce que les Beatles représentent grâce aux racines blues de John.
I seen religion from Jesus to Paul
Working Class Hero est la chanson qu’il aurait été impossible d’entendre sur un album des Beatles. Grâce à 3 minutes contestataire, 3 accords et 3 lignes mélodiques, Lennon écrit déjà la légende de sa carrière solo. Elle est même une des premières chansons populaires à comporter le mot « Fuck ».
La galette se poursuit avec deux balades de piano évoquant la jeunesse difficile du compositeur, Isolation et Remenber. Chargées d’émotions ces deux chansons sont presque le point d’orgue de l’album.
La suite est en collaboration avec Phil Spector, John chante l’amour naturel et véritable avec une ballade de deux minutes dépouillée de tout artifice, comme seul lui en a le secret. Sobrement (ou pas) intitulée Love, ce genre de chanson deviendra peu à peu la marque de fabrique de sa carrière solo.
Love, laisse place à une chanson bluesy et rageuse, Well, Well, Well puis Look at Me prend des airs de Dear Prudence et adoucit l’atmosphère pesante posée par la précédente.
Et enfin, la magie opère, le point d’orgue de l’album. 4 minutes 10 pour faire voler les emblèmes en éclat, Dieu bien sûr, mais aussi Jesus, Buddha, Kennedy, Hitler, Elvis, Dylan, et même les Beatles. Une profession de foi se terminant par
I was the dreamweaver, but now I’m reborn,
I was the walrus, but now I'm John
Le rêve des Beatles s’achève et John retrouve sa liberté.
La liberté de dire que sa mère est partie il y a si longtemps et que cette idée ne veut pas sortir de sa tête.
Il se tenait droit, heureux mais très émotif, pleurant beaucoup
Klaus Voorman, 2002