Que reste-t-il de l'essence d'un groupe quand tout les membres quittent le navire ?
Forcement au cœur de toute les discussions autour de l'album, le départ de Dave Konopka à la guitare a pris tout les fans de court. Et à raison car après quelques lives à 2 fin 2018, le groupe désormais uniquement composé de Ian Williams et John Stanier a tardivement communiqué sur le changement de formation et même sur la sortie d'un nouvel opus, préférant teaser savamment sur leur Instagram.
Et ça fait chier car les guitares de Dave amenaient beaucoup tant en studio qu'en live. L'homme à la cinquantaine de pédales savait travailler ses loops et ses effets sonores en tout genres jusqu'à usure du riff. Si peu d'infos ont été donné sur les raisons du départ on peut se douter que comme souvent il est question de différent artistique ou peut-être de lassitude comme pour Tyondai Braxton en 2010.
Se crée alors un jeu de miroir avec Glass Drop, deuxième album du groupe qui se remettait donc d'une perte d'un membre emblématique (on lui doit alors tout les effets vocaux comme sur l'incroyable Atlas) en parant avec moult featurings de chanteurs et un changement d'ambiance radicale.
Mirrored se voulait caverneux et tortueux, Glass Drop était foutraque et bien plus lumineux. Une bonne parade pour assurer le show à 3 sur scène même si déjà se posait la question des innombrables samplings.
La Di Da Di était alors loin de régler l'affaire car se voulant comme leur album le plus abouti et exigeant, il multipliait les surcouches d'instruments et d'effets rendant impossible son bon rendu en live (ou tout du moins la prestation scénique des différents membres).
Arrive donc Juice B Crypts, objet difficile à appréhender tant il tente autant de nouvelles choses qu'il reproduit de recettes dans ce genre complexe qu'est le Math Rock aux accents expérimental de Battles. Force est de constaté que dès le premier single Titanium 2 Step on reconnaît l'énergie et la fougue d'un Ice Cream, les cris et halètements de Matias Aguayo étant remplacés par les gémissements de Sal Principato. La liste des autres guests n'étant pas en reste puisque se bouscule au portillon Jon Anderson chanteur de Yes, la folle Tune-Yards ou encore la folk expérimentale taïwanaise de Prairie WWWW.
Et il y a à boire et à manger dans ce 4ème opus, du Battles pur jus avec le morceau éponyme, simple démonstration de talent mais aussi du rap, chose inédite grâce au soutien de Shabazz Palaces et de l’électro pop sirupeuse façon Lusine dans They Played It Twice.
Le jeu des réecoute changera pour beaucoup la donne de certains titres qui se révèlent bien timide en première lecture et manque de la folie qui a fait le succès du groupe. Mais il n'empêche que l'absence des anciens membres se fait cruellement sentir et que surtout, l'homme du match, Mr Stanier, se retrouve de plus en plus mis en avant. Oui ses talents de batteur ne sont plus à remettre en question mais le mixage lui laisse une part beaucoup trop importante. Même sur Titanium 2 Step, ma chanson favorite, l'équilibre est rompu et les toms prennent le pas sur tout le reste.
Mais ma plus grande inquiétude reste concernant la retranscription live (hey hey pas bête le petit vu qu'il a pris ses places pour le concert au Trabendo) et l'avenir de Battles. Continuant son évolution logique entrepris dès le second album vers toujours plus d'électro, le groupe se déshumanise encore un peu plus, proposant des sonorités certes plus affinées mais moins organiques et le peu de live apparu sur les internet laissent transparaître un Ian Williams dépassé par toute la machinerie qu'il a à gérer désormais seul, assumant de moins en moins les parties guitares.
Ce que certains annonçaient comme une blague pourrait un jour devenir vrai : John Stanier, dernier membre du groupe, officiant à la batterie sur bande musicale, pas loin de son excellente performance avec Rone.
Rien d'alarmant pour l'instant et quand bien même cette critique ne ferait que pour l'instant énumérer une liste de problème, un constat reste sans appel : même sur cette album un poil en deçà des précédentes productions, il reste des morceaux de bravoures, notamment grâce aux voix solaires de Solar Foo**t et **Last Supper on Shasta Pt. 1, ou encore grâce à la parfaite introduction, Ambulance, qui devient ironiquement le dernier morceau de leur setlist live. Se terminant sur un decrescendo désabusé, cette track prouve pourtant encore que le duo a des choses à dire et à faire, en profitant d'ailleurs pour boucler la boucle avec Last Supper on Shasta Pt. 2 qui reprend la même mélodie mais cette fois-ci au piano, preuve si il en fallait une que les matheux ne se sont pas totalement abandonnés aux sirènes de l’électronique.
Juice B Cryptes innove, certainement pas assez, mais ose encore tenter de nouvelles choses et reste toujours bien au-delà de la mêlée dans un genre musicale qui se repose depuis bien longtemps sur ses lauriers et 5 ou 6 accord magiques. En renouvelant l’expérience d'un album qui multiplie les invitations, joue avec les formats (deux binômes de chansons notamment) et les genres, Battles garde sa place sur le trône du math rock.
On ne leur souhaite que de se retrouver de nouveaux compagnons de route car ils ne sont jamais aussi bon qu'à plusieurs.