JVLIVS III : Ad Finem
7.3
JVLIVS III : Ad Finem

Album de SCH (2024)

Une chose est sûre, 2024 restera l’année du S !


Après nous avoir déjà rassasié en mai avec Prequel, le marseillais remet le couvert en ce début décembre. Qui va s’asseoir à sa table ? Giulio, qui vient conclure avec JVLIVS III une trilogie entamée voilà 6 ans maintenant avec le tome 1. Prequel ayant su majoritairement convaincre la fan base, en est-il de même pour l’ultime épisode ?


L’annonce d’un nouveau projet à peine 6 mois plus tard avait de quoi étonner, d’autant plus après l’affaire de la fusillade qui laissait beaucoup de flou quant à la suite (et ne cesse de revenir à l’esprit en voyant la cover de l’album). Pourtant, Sch est revenu bien vite avec Stigmates, afin d’annoncer la couleur au travers d’un clip magnifique aux nombreuses références cinématographiques (Shining notamment). Puis ce fut La pluie, venant étendre le spectre des sonorités musicales de l’album, lorgnant d’avantage du côté de la chanson française. Le rapper n’en est pas à son coup d’essai dans ce registre, ne cachant pas des influences musicales tels qu’Eddy Mitchell ou encore Joe Dassin, et poussera même le curseur plus loin avec Deux mille, aux airs de variétés françaises à l’ancienne. Un morceau qui en laissera certainement plus d’un dubitatif, mais on saluera la prise de risque et surtout une vraie cohérence dans le corps du projet.

Car bien évidemment, et peut-être plus que tout le reste, c’est le respect du concept complet de l’album qui est attendu avant tout. Le lien avec les précédents tomes et le Prequel se devait d’être maintenu jusqu’au bout du récit. Fidèle à ses prédécesseurs, on retrouve une ouverture accompagnée par la voix du narrateur, Julien lui-même, achevant par là même de nous faire comprendre que l’album sera des plus personnels, l’intro étant à juste titre tout simplement intitulée Ego sum.

Pendant les 17 tracks suivantes, regrets et amertume se mêleront pour nous faire comprendre l’état d’esprit de l’artiste.« Le personnage n’a pas de coeur, c’est fort dommage l’auteur aussi » - La pluie, c’est pourtant un coeur qui saigne qui nous permettra de découvrir les différentes chansons. Blessé mais observant toujours une certaine pudeur, le rapper revient sur ses désillusions (« J’me confie mais putain qu’est-ce qu’y a des traitres » - Dans la tête), les causes de nombreux soucis tels que l’argent bien sûr (« Quand les numbers causent, ça met l’amour et la paix dans un piège, les deux se taisent » - Miroirs) ou encore l’alcool (« J’bois à m’en tordre le foie pour qu’c’que j’ai au fond du ventre se noie » - Anamnèse) et les relations (« Depuis qu’j’ai perdu ta présence, c’est noir / Depuis qu’jai bu le poison, le plaisir et des passions » - Multirécidiviste / « J’ai des potes morts, des proches que j’reverrais plus » - Soldi famiglia). A ce titre, Sch fait à plusieurs reprises allusion à une relation sentimentale à présent éteinte et les regrets qu’il nourrit à ce sujet (« Qu’est-ce que j’en avais à foutre de briser son p’tit coeur tout blanc ? J’étais persuadé qu’elle allait rester (Et elle est restée) » - Anamnèse), renforçant le sentiment de mélancolie qui émaille l’album. Pour autant, le rapper ne perd pas de sa hargne quand il se doit, et s’il se détourne humblement de certains objectifs de réussite (« J’ai du talent mais j’suis pas l’best, hein » - Stigmates/ « Sa mère être numéro uno, moi j’suis pas dans ça, j’suis dans la vraie vie » - Anamnèse), il sait également rappeler une envie toujours bien présente (« J’suis venu avec un flingue et une pelle » - Soldi famiglia) et une détermination certaine, marquée par un flow des plus agressifs.

De fait, le personnage de Sch/Giulio est toujours crédible, et d’une certaine façon présente là une figure plus humaine et palpable. Un beau tour de force que de réussir sur cette conclusion à conjuguer de manière aussi habile l’homme et l’artiste.

Pour parfaire l’enrobage, cela n’est pas seul comme sur le Prequel qu’apparaît le marseillais, mais avec deux invités de prestiges : Sfera Ebbasta et Damso. Pour le premier, on retrouve l’alchimie de l’excellente collab’Cartine Cartier sur Anarchie. Cette fois-ci, les deux artistes explorent une autre approche, les envolées lyriques de Sfera et une extraordinaire prod signée Freaky Joe achevant de créer une pièce maîtresse du projet. La seconde association était attendue de longue date par les amateurs : le belge n’ayant pas encore échangé sur un son avec le Scélérat. C’est désormais chose faite, et si le natif d’Aubagne accouche d’un refrain redoutablement efficace, Damso se contente d’une approche plus consensuel avec un unique couplet rappé, dans le plus pur egotrip. D’aucuns regretteront un éloignement trop prononcé de l’ambiance Jvlivs et du thème général de l’album, mais le morceau reste toutefois de haut niveau. A titre personnel, j’aurais seulement préféré plus d’échanges et de passe passe entre les deux.

Mais au-delà de ces velléités techniques, Sch fait avant tout la part belle à la musique. Évidemment pour un album me direz-vous, mais plus que tous ses projets précédents, et majoritairement au regard de ce qui se fait dans le rap français actuel, c’est une véritable couleur musicale que le S a tenu à apporter. Par de véritables instruments, renforçant l’esprit symphonique de l’ensemble (on pensera ici au violoncelle en conclusion de La pluie), et surtout un piano et une guitare toujours subtilement amenés; chaque morceau se pare d’une ambiance forte. La liaison entre les sons est d’une justesse absolue, appuyant la cohérence de l’ensemble de l’œuvre (l’enchaînement sans transition entre l’interlude Avversita et Miroirs, ou encore Rose noire et 02 :00). C’est enfin ce solo de guitare électrique poignant qui vient parachever le final, Sch laissant tout simplement parler la musique en conclusion de l’album.


Vous l’aurez compris, écriture, production, c’est peut-être bien un sans faute pour Sch qui signe là une pièce maîtresse de sa discographie et clôt un chapitre important. Dans une année finalement bien pauvre en production de qualité des têtes d’affiche, nul doute que cet album saura marquer les esprits. Après avoir trouvé les réponse dans la lumière blanche, le S peut s’en aller et espérons le, digérer ses peines.


Merci Julien.


SONS A RETENIR


Stigmates


Anamnèse


Soldi famiglia


David_AVINENC
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 9 déc. 2024

Critique lue 89 fois

2 j'aime

David_AVINENC

Écrit par

Critique lue 89 fois

2

D'autres avis sur JVLIVS III : Ad Finem

JVLIVS III : Ad Finem
Larpenteur-du-sud
8

MAFIA BLUES

Dans une décennie où le rap français peine à se renouveler (pour pas dire éclaté), SCH s'impose une fois de plus comme le meilleur représentant de ca génération. Avec ce dernier projet, il ressort sa...

le 7 déc. 2024

7 j'aime

1

JVLIVS III : Ad Finem
Floziv
10

LE chef-d'œuvre d'SCH !

10/10, pourquoi ? Pour deux raisons principales :La 1ère, parce que c'est un album NO SKIP, de plus en plus rare de nos jours ! La 2ème, car après l'écoute, je ne considère même plus cela comme un...

le 7 déc. 2024

5 j'aime

JVLIVS III : Ad Finem
dirtysale
8

Critique de JVLIVS III : Ad Finem par Dirty Sale

Va falloir commencer à se poser la question de où placer ce mec, pas parmi les meilleurs de sa génération, mais bien de l’histoire de sa musique. C’est le meilleur rappeur français actuel, à des...

le 7 déc. 2024

4 j'aime

1

Du même critique

A7
David_AVINENC
8

Pas loué ! Pas loué !

Le rap c'était mieux avant et pourtant, jamais autant d'artistes n'auront émergés dans cette catégorie que ces derniers temps. En cette fin d'année, la révélation est un certain SCH (Schneider pour...

le 31 déc. 2015

15 j'aime

JVLIVS Prequel : Giulio
David_AVINENC
8

JVLIVS : Saison 00

"Ils ont sûrement dû dire qu'j'étais fini"... Ce n'est certainement pas anodin si l'on retrouve Sch avec cette phase pour débuter son couplet dans Cannelloni, annonçant son album JVLIVS Prequel :...

le 3 juin 2024

8 j'aime

Anarchie
David_AVINENC
6

Le doigt au fond ?

A7 avait déjà su surprendre tout le monde fin 2015, mixtape du nouveau venu SCH qui s’amène sans crier gare. Je ne m'attarderai pas d'avantage sur la qualité de cette mixtape et vous laisse vous...

le 27 mai 2016

7 j'aime

8