JVLIVS Prequel : Giulio
6.9
JVLIVS Prequel : Giulio

Album de SCH (2024)

Contexte :

31 mai 2024, SCH sort son nouvel album, JVLIVS Prequel : Giulio. Deux semaines plus tôt, un premier extrait, Cannelloni, est lâché sur YouTube, clip à l'appui. Et dès la première line, SCH prend les devants :

Ils ont sûrement dû dire qu'j'étais fini avant même d'avoir connu l'homme

Cette line résonne particulièrement fort à une étape de sa carrière où le S est critiqué, parfois même discrédité pour la direction qu'il a prise au cours des trois, quatre dernières années. Des reproches légitimes à certains égards, disons-le : JVLIVS II n'était pas parfait comparé au premier tome, et Autobahn, lui, malgré plusieurs bonnes propositions, pourrait être considéré comme l'un des moins bons projets de l'artiste. Une grande partie des auditeurs va plus loin, et n'hésite pas à enterrer SCH ; à dire, justement, qu'il est fini, qu'il est devenu un rappeur commercial incapable de ressortir un grand projet à la hauteur d'un JVLIVS I ou d'un Deo Favente.

L'ingratitude à la française. Voilà ce que j'en dis. L'art de ne regarder que le revers de la médaille, et d'en oublier le reste. Mais face à la désapprobation des uns et la médisance des autres, SCH a réagi comme un artiste, faisant disparaître dans un vortex silencieux les plus mauvaises langues.

JVLIVS Prequel : Giulio, comme son nom l'indique, s'inscrit dans la lignée des JVLIVS. L'idée même de sortir un Prequel avant le dernier tome de la trilogie est déjà un premier contre-pied de la part de SCH. Le fait de sortir ce Prequel sans Katrina Squad, producteur emblématique du premier tome, est un autre contre-pied. Enfin, le vrai contre-pied, c'est la réussite flagrante, le succès indéniable de cet album qui fera certainement partie des plus grands de la discographie du S.

L'album :

JVLIVS Prequel : Giulio démarre en grande pompe, avec l'enchaînement captivant de Le baptême et de Prequel. Une introduction de très grande qualité, dans le débit, les changements de flow, le refrain, à la hauteur des intros proposées par SCH dans ses plus grands projets. Puis, les premières envolées arrivent déjà avec Crois-moi, qui m'a tout de suite fait penser, bien que dans un autre style, à Pas la paix sur Deo Favente. Et vient ensuite Garcimore, mon titre favori de cet album, un morceau enivrant que je repasse en boucle depuis la sortie de l'album.

- - - La recette, première interlude du projet, nous maintient dans l'ambiance JVLIVS et son côté cinématographique et descriptif. Assez descriptif, d'ailleurs, pour que cette même recette de Cannelloni termine sur Marmiton (ce n'est pas une blague).

Cette interlude amène Cannelloni, le single évoqué au début de ma critique, l'un des meilleurs sons de l'album à n'en pas douter. La technique et la versatilité de SCH sont ébouriffantes, voire insolentes, sur cette track qui se bonifie à la réécoute. Puis, de nouvelles envolées arrivent avec Les hommes aux yeux noirs, et un refrain digne d'un très, très grand SCH. Là aussi, on est sur l'un des meilleurs sons de l'album, et pour me mouiller un peu, l'un des meilleurs son de sa discographie. Quoi suit derrière, et contrairement à beaucoup de commentaires que j'ai pu entendre ou lire, qui classaient cette track parmi les moins bonnes du projet, j'ai un avis très différent. Quoi est un excellent son, très frénétique, une certaine proposition certes mais toujours à la sauce JVLIVS : un parfait compromis pour faire plaisir aux amateurs de drill sans pour autant dénaturer le projet. Autre proposition : Beaux-arts. Pareil, ce morceau se bonifie réécoute après réécoute, et s'intègre à merveille dans le projet, amenant notamment l'interlude suivante.

- - - La renaissance. SCH y « admire ses œuvres d'art, telles des balafres sur la peau de l'histoire ». Cette phrase, associée au changement d'ambiance caractéristique des interludes de ce projet, offre la parfaite transition avec la track suivante.

Balafre. On entre dans ce que certains auditeurs de mauvaise foi appelleront le « ventre mou » de l'album, et que j'appellerai personnellement le « ventre calme ». SCH nous en a mis plein les oreilles, avec l'un des débuts d'album les plus bouillants des cinq, dix dernières années ; il est temps de faire redescendre légèrement la température, de passer du volcan à la côte. Et oui, on retrouve dans cette track les notes méditerranéennes iconiques des JVLIVS, qui nous feraient penser par exemple à Le code du tome 1 ou Corrida du tome 2. On enchaîne avec Gris, un morceau très chanté, peut-être celui qui me parle le moins, et pourtant très facile à écouter, et sur lequel viendront s'ajouter quelques nouvelles lettres de noblesse à chaque réécoute. Mais l'apothéose du côté chanté, de la musicalité de SCH intervient sur Ciel bleu. J'ai presque eu l'impression d'écouter un Bénéfice 2. Rien que ça, pas besoin de développer davantage mon propos. Cette track met fin de la plus belle des manières à une série de trois morceaux plus calmes, plus chantés, avant de retrouver le SCH rageur et hargneux sur Jimmy Twice, introduit par quelques notes de guitare tout de même (rien n'est laissé au hasard pour assurer de belles transitions). Un bon gros « VNTM, la guerre, tu veux pas voir si j'sais la faire » et nous revoilà dans un bain bouillonnant. Mes cheveux longs ont été secoués par le refrain, je dois l'admettre. Et avant la dernière interlude du projet, c'est au tour de Hells Kitchen de nous faire bouger un peu la tête. Là aussi, au même titre que Quoi, SCH prend une certaine prise de risque : le risque d'irriter tous ces auditeurs qui crient à la zumba dès qu'ils entendent une rythmique plus pop que le reste. Mais une oreille avertie saura reconnaître que, une fois encore, c'est bien réalisé, et dans l'esprit de JVLIVS. Un peu à l'image d'un Ciel rouge ; très différent certes, mais il y avait bien des sonorités pop, et presque tout le monde l'avait adoré à l'époque.

- - - L'Opinel, dernière interlude de ce Prequel, fait taire une fois de plus tous ceux qui pourraient argumenter qu'une interlude n'apporte rien dans un projet. Le côté cinématographique est là, on reste en haleine, et surtout, la transition entre deux salles, deux ambiances est assurée avec finesse.

Il reste deux tracks, et cette fois, c'est le lyrisme de SCH qui va se sublimer pour clore ce projet. La première de ces deux tracks, Calabre, est exceptionnelle. Il y a trop de choses à dire, elle mériterait certainement sa propre critique. Mais je relève, grossièrement, deux aspects : d'abord, la montée en puissance du morceau. Des quelques notes de piano apparaissant au début, et qui laissent entrevoir la fin de l'album, à la guitare électrique qui fait exploser la track. Et ensuite, l'écriture. C'est tellement bien écrit, et on retrouve ce côté très descriptif de SCH : « J'remplis le chargeur de la main gauche, j'lui caresse le visage de la main droite ». Qu'est-ce que j'aime ce SCH là. Et la track suivante, l'outro de ce projet, est Batterie vide. Si vous connaissez bien SCH, vous savez ce qu'il en est de ses outros. Et une fois encore, vous ne serez pas déçu. Pas d'explosion instrumentale comme sur Bénéfice ; on serait plutôt sur quelque chose de similaire à Loup noir, avec une magnifique plume accompagnée par un magnifique piano, qui aura d'ailleurs tout le loisir de se faire entendre sur la fin du morceau (SCH drop le mic' à presque 1:30 de la fin). Et une fois encore... C'est si bien écrit : « On tombe souvent dans c'qu'on nous déconseille, mourant comme tout le monde mais vivant tant qu'on saigne ».

Conclusion :

Aussi dubitatifs que nous puissions être avant sa sortie, JVLIVS Prequel : Giulio est un grand, un très grand projet. Rien est à jeter, et je dirais même que SCH a réussi à en donner pour tout le monde tout en maintenant une direction artistique forte et une tracklist homogène. Ce qui m'a beaucoup impressionné aussi, c'est cette faculté des producteurs, en l'absence d'un Katrina Squad, de se mettre au diapason, de s'imprégner du caractère, de l'esthétique et de l'atmosphère de JVLIVS. Entre autres, 2K, Gancho, Seezy, ont su saisir l'essence même de la « saga » pour permettre à cet album de se mettre à la hauteur du tome 1. Imaginez qu'un beatmaker comme Yung Pha, presque inconnu au bataillon, est à la baguette sur Ciel bleu, l'un des meilleurs morceaux de l'album. Tous (SCH, ses producteurs, son label...) se sont dépassés pour sortir cet album de grande qualité, idem pour le très bon court-métrage qui l'accompagne. Disons-le : JVLIVS Prequel : Giulio est un no skip. Et depuis début 2020, parmi les grosses têtes du rap francophone, qui a réussi à sortir un no skip ? Peut-être Freeze Corleone avec LMF, ou Hamza avec Sincèrement, et encore...

En sortant cet album, qui sera certainement un classique, qui s'inscrit au panthéon de la discographie de SCH, en détrônant facilement JVLIVS tome 2 pour venir rivaliser avec le tome 1, et qui vient aussi s'asseoir aussi à la table des très grands albums de la décennie, SCH a fait taire toutes les critiques.

JVLIVS Prequel : Giulio obtient un 9/10 de mon côté, c'est un album parfait. Mais je ne lui mettrai pas 10 pour garder JVLIVS tome 1, mon album préféré et celui qui m'a fait aimer le rap, sur la marche supérieure.

Raymus
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le 11 juin 2024

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