L’espiègle quatuor Transatlantic suce avec gloutonnerie tout ce qui touche de près ou de loin au rock progressiste « surdimensionné ». Devant leur quatrième opus, les amateurs claquent déjà des genoux dans l’attente de l’objet providentiel, de l’équation parfaite qui carboniserait leurs confrères d’un chassé-croisé de double croche. Exagéré ? A peine. Il faut avouer que Neal Morse, Pete Trewavas, Mike Portnoy et Roine Stolt ont depuis 2001 réussis la gageure de créer l’un des seuls « supergroupe » digne d’écoute, tout simplement. En fusionnant de tels talents, il fallait transformer la somme des égos mis sur la table, en or massif. Et bien que The Whirlwind (2010) paru avoir un poil de plomb dans l’aile, l’annonce de ce Kaleidoscope relança illico l’espoir d’y entendre à nouveau la « révélation ».
Sans vouloir changer son menu un poil ronronnant, Transatlantic propose ici un nouveau disque plein comme un œuf avec ses cinq titres au compteur dont deux dépassent, comme un double bang supersonique, les 25 minutes. Évidemment, le groupe pousse la chose un peu loin par moment, excessif à souhait et volubile comme si le cahier des charges devait cocher chaque cases des attendus nécessaires. Mais la musique plane, tranche, voyage cette fois encore d’une planète à l’autre, d’une galaxie à la suivante. On reconnaît la patte de chaque musicien, les voix aussi, dans un luxe d’harmonies impeccables. Les étiquettes s’arrachent, volent, se redistribuent avec des guitares et des claviers qui osent enchaîner les soli sans tomber dans la ringardise ou la vaine démonstration. Tout cela reste mélodique, loin de tout futurisme abstrait ou abscons, rien d’avant-gardiste au déboulé, de bizarreries au débotté. Du Transatlantic pur premium !
Au milieu de ces deux piliers progressifs funambules qui retombent toujours sur leurs pieds (« Into the Blue» et « Kaleidoscope») avec une maestria dévastatrice, les chicaneurs trouveront toujours à redire sur les ballades typiques de Neal Morse : « Shine » et « Beyond the Sun » (tout en acoustique), alors que le speedé « Black as the Sky » mélange habilement les échos de Spock’s Beard et des Flower Kings. Ces titres permettent pourtant à l’album d’obtenir cet équilibre précieux que l’on retrouvait déjà sur leurs anciennes productions. Certes, Kaleidoscope n’atteint pas la perfection charnelle de Bridge Across Forever (2001), mais il faut compter sur ce disque scintillant.
Avec cette joie de tous les instants, cette musique qui offre plus de joie que de larmes, Kaleidoscope joue les montagnes russes, avec ce talent inégalé pour emboîter chaque pièce de la machinerie dans une confusion calculée au millimètre. Le résultat a tout de la réussite et malgré les turbulences, ce tour du monde prog-rock prouve une fois encore que le fantasme de réunir des musiciens aussi talentueux pour le strict plaisir musical n’est finalement pas si absurde qu’il en a l’air.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.