Kansas s'est fait connaître internationalement avec le morceau "Dust in the wind", véritable tube planétaire et l’album "Point of know return" (1977). Pourtant son chef d'œuvre, le second album du groupe, Song for America (1975), la référence en matière de (hard) rock symphonique est antérieur de deux ans. Mais à partir de Leftoverture (1976), qui reste malgré tout très correct et surtout malheureusement des albums suivants, sortis à la fin des années 70, Kansas va prendre un tournant de plus en plus FM en abandonnant les morceaux longs, ambitieux et le côté progressif de leur musique pour "sombrer" comme beaucoup dans une sorte de rock commercial symbolisé par Dust in the wind (j'avoue que je ne suis pas fan de musique FM mais avec Kansas même leurs albums davantage « grand public » ont quelque chose de plus et sont moins ennuyeux à écouter que les œuvres de Styx, Journey, Saga, Asia et autres Foreigner..). Mais intéressons nous aujourd'hui au tout premier enregistrement du groupe, datant de 1974 et qui est loin d'être négligeable, bien au contraire, car il pose les bases du "style Kansas".
Alors que Kansas jouit d'une bonne réputation dans de nombreux pays, en France il est un des grands oubliés du hard progressif/symphonique, à croire devant le désamour vis à vis d'un autre cador, Rush, que notre pays n'aime pas ce style musical... fait démenti dans les années 90 avec Dream Theater dans un registre certes plus "métal".
Kansas joue donc un mélange de rock progressif / rock symphonique / hard FM avec une utilisation pleine de magie et de folie du violon, instrument trop rare dans le rock et qui ici est quasiment l'égal du clavier ou de la guitare. Autre marque de fabrique du groupe, quelques ballades de bonne qualité si on aime ce genre. Si les influences progressives sont évidentes dans les compositions, il est néanmoins indéniable qu'il s'agit d'une sorte de rock progressif "grand public", "américanisé", avec moins de subtilités que chez un Yes ou un Genesis par exemple mais ce qui n'enlève en rien à la virtuosité des musiciens et à la qualité des compositions.
« Can I tell you » qui débute l'album est un morceau très rock, enlevé, où le violon très folklorique se taille assurément la part du lion y compris dans un époustouflant solo, laissant ensuite les guitares et les claviers se répondre à tour de rôle dans un registre très Deep Purple. Si on ajoute les voix très chaudes de Steinhardt et de Walsh on a un superbe morceau estampillé 70's.
Sur « Bringing it back », morceau de J. J Cale, on navigue dans les mêmes ambiances avec cette fois un piano boogie qui mène la danse et toujours le violon qui virevolte. Un titre endiablé avec un chant hard soul.
« Lonely wind » est une ballade assez mielleuse comme Kansas en fera de nombreuses par la suite, pas franchement transcendante, mais là comme c'est la seule de l'album on pardonne facilement.
Mais où est donc le fameux rock symphonique ? Il arrive avec « Belexes » et « Journey from Mariabronn », voilà le Kansas plus progressif et symphonique qui se dévoile enfin, ça a beaucoup de pêche, les musiciens, excellents, s'en donnent à cœur joie.
Sur « Belexes » le chant se durcit accompagné de backing vocaux très Uriah Heep. Le synthé se taille la part belle mais la guitare n'est pas en reste avec un court solo, furieux et lumineux. Les compositions majoritairement signées Kerry Livgren (guitare et synthé) se complexifient notamment sur la pièce maitresse « Journey from Mariabronn » qui alterne les breaks et ambiances contrastées avec quelques passages instrumentaux grandioses.
« The pilgrimage » reste assez anecdotique, passons donc directement à « Aperçu » et « Death of mother nature suite » deux morceaux de grand rock symphonique dans la lignée de « Belexes » et « de Journey from Mariabronn » mais plus longs avec des atmosphères différentes, calmes puis énergiques, un bon équilibre entre guitares, synthés et violons, les deux morceaux s'enchaînent si bien qu'on a l'impression d'avoir en fait un seul titre de quinze minutes, apothéose onirique et majestueuse clôturant l'album (du grand Kansas, flamboyant, celui qu'on retrouvera sur « Song for America » en plus abouti, mieux composé et plus homogène). Et puis un groupe qui, comme on l'a dit, se caractérise par une utilisation importante et à bon escient du violon, ne peut qu'attiser la curiosité.
Cet album s'avère donc une excellente mise en action et présente déjà les grandes caractéristiques du hard symphonique que d'autres groupes vont reprendre dans les années 70 mais avec moins de réussite.
En tout cas "Kansas" demeure un bon album, qui présente déjà une grande qualité musicale et les amateurs de rock symphonique et de hard progressif y trouveront aisément leur compte. Et aussi l'occasion de découvrir un album pas forcément très renommé en France.
CRITIQUE REDIGEE EN 2019 ET NON EN NOVEMBRE 2022