On le sait, depuis la fin des années 60, Eddy avait bien du mal à se renouveler, sortant des albums à intervalles réguliers avec une constance qui force le respect mais voilà, le public ne suivait plus et contre ça, il n’y rien à faire (Eddy l’a lui-même reconnu avec lucidité). Quelques titres passaient en radio mais les albums ne se vendaient pas, Eddy ne tournait même plus. En 1974, le fond semble être atteint avec ce « Ketchup électrique » : le titre, déjà, relève du n’importe quoi ou du collage de mots en fin de soirée arrosée, la photo de pochette est laide. Eddy ne savait plus dans quelle direction aller. Les fidèles Jean Fernandez et Pierre Papadiamandis sont toujours au poste mais le résultat est, comment dire ? «Gentil » ? « Agréable » ? « Juste écoutable » ? En tout cas, loin du Eddy qu’on aime, c’est évident, énergique, drôle et même caustique. Les musiciens sont talentueux (Marc Bertaux, Bernard Lubat…) mais ne peuvent rien sauver avec des chansons franchement ternes. Ca commence de manière fade voire « gnangnan » avec « Alice au pays des amours », « Coup de foudre » aussi, la reprise de Stevie Wonder, « Superstition » est loin de l’originale ; quant à « L’enfant électrique », on ne peut pas dire qu’il soit entré dans ses chansons les plus mémorables (et je reste poli bien entendu), une fin d’album bien loupée. Reste « Chaque matin il se lève » et là, sans être géniale, on comprend que c’est dans cette direction qu’Eddy doit aller s’il veut éviter le naufrage. La chanson, reprise de Gordon Lightfoot, est vraiment bonne. Et Eddy l’a compris, quelques mois plus tard, il accepte la proposition de sa maison de disques d’aller enregistrer à Nashville des adaptations de rock’n’roll avec des musiciens locaux, après avoir refusé une reformation des Chaussettes Noires qui lui avait logiquement plombé le moral…Et bingo ! Ce sera l’énorme « Rocking in Nashville », une forme de renaissance et de retour en grâce, c’est la force des grands artistes.