Les Kinks sont jeunes. Les Kinks ont tout à prouver. Mais les Kinks manquent d'expérience.
Ils ont une énergie débordante, ils veulent montrer qu'ils existent, qu'ils ne sont pas comme tous les autres, mais ils sont encore empêtrés dans leurs influences Rythm and Blues et dans les pieds de Chuck Berry, comme tous les groupes anglais de l'ère pré-psychédélique, sans en ressortir quelque chose de particulier ou d'original.
Ray Davie a pourtant de l'ambition, il compose près de la moitié des chansons du groupe lui-même, et il se fait parfois accompagner d'un jeune et obscur guitariste de session plutôt talentueux nommé Jimmy Page. Mais rien n'y fait, les chansons sont peu convaincantes et oubliables, assez tâchée par la mauvaise production, à quoi s'ajoute parfois la voix horrible du frérot Dave Davie (qui s'améliorera pourtant), et donnent toutes l'impression de mauvaises reprises déjà entendue des dizaines de fois, même celles qui ne sont justement PAS des reprises. A quelques exceptions près, dont la plus évidente est "Stop The Sobbing" un peu composée à la manière Beatles. Bref, c'est du rock de garage, c'est primitif, c'est sale et c'est pauvre.
Mais TADAM ! il y a "You Really Got Me", le titre ne semble même pas appartenir à l'album tellement on dirait qu'il sort d'une autre planète ! Le premier single des Kinks fut "Long Tall Sally" sorti en février 1964, quatre mois avant que les Beatles enregistrent avec succès leur propre version de la chanson, et ce fut un bide. Le deuxième single, "You Still Want Me" était cette fois-ci une composition personnelle un peu chiadé de Ray Davie, mais encore une fois, ce fut un bide. Pour survivre dans ce monde cruel et injuste, le groupe devait frapper un grand coup. Alors Dave déchira le haut-parleur de son ampli, Ray écrit un riff frais et dévastateur d'à peine 5 notes dont seulement 2 différentes, et le groupe venait d'inventer le hard rock. Et PAF ! Succès mondial dans ta face. Un tel succès ne se reproduira jamais, ou assez partiellement avec Lola, mais permis au groupe de ne pas tomber dans l'obscurité la plus complète et de ne réussir à apparaitre que dans la compilation "Nuggets". Ils purent ainsi continuer d'enregistrer, de s'améliorer, de gagner en identité, et de créer quelques chef d'œuvres. Mais le public ne suivant pas cette progression, l'image restera bloquée de toute manière sur The Kinks = "You Really Got Me + quelques autres hits, sûrement".
Mais je suis toujours aussi étonné de voir un titre aussi original pour l'époque rayonner dans un album aussi cliché. Ils feront un copier-coller en enregistrant "All The Day And All The Night", mais je ne m'en lasse pas. Ainsi, ce titre est peut-être la seule raison de se procurer l'album en entier, en plus des raisons historiques. Car eh, en effet, je rappelle que ceci est le premier LP d'un des meilleurs groupes des années 60, donc peu importe le mal que je peux en dire, ce n'est pas n'importe quoi. Même moi, je peux pas me résoudre à mettre moins de 5.