Quand on met aussi peu de coeur dans ses instrus et autant de fougue dans ses textes, autant écrire un essai. Ce sera plus productif que cet album moralisateur, qui se veut le jumeau maudit de DAMN. sans en atteindre le quart de l'impact. Et oui, je fais chier, je compare Cole à Lamar, et c'est bobo-cliché. Désopadézo, comme disent les jeunes. Mais au bout d'un moment, on obtient les critiques qu'on mérite.
Alors oui, il est fort, oui il écrit bien, chaque texte est un potentiel petit chef-d'oeuvre. Oui ses clips sont cool. Oui, c'est un vrai rappeur, même si on sait pas bien ce que ça veut dire. Oui, ça change de la trap et de Lil Pump. Oui, il apporte "un message". Mais il suffit pas d'être un mec à l'ancienne. La pure nostalgie, ça fait rarement de bons artistes.
A force de s'enfermer en studio et de s'écouter disserter sur le consumérisme nord-américain et les dérives du capitalisme libéral, J.Cole a un peu oublié qu'il s'adressait à des vrais gens, à un monde extérieur, qui n'est pas uniquement dans sa tête et qui achète des disques pour écouter de la musique. Oui, il s'adresse à la société américaine et aux petits jeunes. En temps normal, j'aurais adoré ça. Mais on connaît le bonhomme, on sait que c'est son style, ça ne nous surprend plus.
Là où certains artistes arrivent à sublimer leur subjectivité et à transmettre l'introspection de façon réellement touchante et universelle, J.Cole nous refile un album où l'on peine à s'intéresser aux paroles (si brillantes soit-elles, attention, mais le problème c'est qu'on juge un CD là), faute de rythme, de flows percutants, faute d’ingéniosité, de prises de risque, de modernité.
Il fait ce qu'il sait faire, et qu'on a compris depuis longtemps qu'il savait faire. Et on en a un peu ras la quiche, si vous me passez l'expression.
Si J.Cole était un petit nouveau, je lui dirais : "Bienvenue grand, tu as bien appris ta leçon, maintenant montre moi de quoi tu es capable ! ", parce qu'il faut croire que je parle comme une connasse condescendante. Mais faut me comprendre, cet homme serait sans doute incroyablement doué pour écrire un recueil à l'heure actuelle, mais il ne l'est plus tant que ça en tant que musicien. Et ça me désole un peu.
Les seuls moments de grâce que j'ai ressenti concernent les premiers morceaux. Grâce que j'ai fini par rapidement identifier à un sentiment de familiarité. Sentiment de familiarité qui s'est ensuite rapidement transformé en lassitude, quand j'y ai reconnu DAMN, sorti un an plus tôt. Et vraiment, je me suis dit que ça devait venir de moi, à force de voir Kendrick partout ces derniers temps. Mais non, c'est même pas de la mauvaise foi. Le doublage des voix, les concepts, les mots répétés, lancinants, obsédants, qui hantent l'album... KOD aurait pu m'impressionner, si KOD n'arrivait pas un an trop tard.
Et oui, c'est injuste, mais c'était tout ce qui pouvait sauver l'album musicalement pour moi, qui partait plutôt bien.
Merci tout de même pour ses lyrics fines et ciselées, que j'aurais préféré découvrir ou lire dans un autre contexte pour mieux les apprécier. Merci de traiter de l'addiction sur un ton aussi personnel, la société en a besoin. Merci pour cette cover sublime, pleine de couleurs et de symboles, qui mettait l'eau à la bouche.
Mais merci d'embaucher des producteurs qui savent un peu ce qu'ils font, pour le bien de cette écriture qui mérite infiniment mieux.
PS : Et que celui qui n'a pas regretté de ne pas avoir un bouquin directement sous la main pour éviter de se coller le nez contre Genius pendant trois heures me jette la première pierre.