Je suis tombé sur cette sublime pochette (de H.R. Giger, le papa d'“Alien”) un matin en me promenant au marché aux puces ; « Tiens, la nana de Blondie a eu une carrière solo » ? Oui ! Et si on en a peu entendu parlé, c'est qu'elle a été moins reluisante, à l'image de ce premier album. Pourtant, en appelant Chic à la production, tous les éléments étaient réunis pour faire naître un objet Pop iconique. Sauf qu'on est loin ici de leur patte Disco qui a fait leur succès. Sentant que le genre n'a plus le vent en poupe, Nile Rodgers et Bernard Edwards expérimentent un nouveau mélange de Funk et de Rock qui donneront succès à Bowie ou Duran Duran plus tard dans la décennie, mais qui ici, sent les balbutiements.
La voix de Debbie Harry n'est pratiquement pas mixée, posée là, brut de décoffrage ; ça renforce certes le côté Punk mais sur des morceaux qui ne le sont pas, il y a un petit côté déphasé qu'on n'aurait sans doute pas eu avec Mike Chapman, le producteur des meilleurs albums de Blondie (quoi que ce dernier aura du mal aussi l'année suivante à faire marcher la sauce avec les démos de « The Hunter »). Peut-être aussi que Debbie et son compagnon (qui co-écrit aussi ici) Chris Stein étaient déjà en fin d'inspiration en ce début des années 80, dépassés par leur succès. Les hooks le sont en tout cas moins, inspirés, et la production minimaliste n'aide pas.
Ce n'est pas mauvais non plus. Les interprétations folles de Debbie finissent par prendre sur « Jump Jump » et le single « The Jam Was Moving », avec son étrange synthé qui apparaît de temps en temps en fond. « Chrome » joue dans le tribal avec la bass très profonde d’Edwards et les étonnants solos de Rodgers et Stein. On retrouve aussi du Reggae sur « Inner City Spillover », du punk sur « Under Arrest » ou encore de la musique orientale sur « Oasis ». La voix de Debbie se fait cristalline sur la ballade « Now I Know You Know » et re-balance son flow sur « Military Rap », une instru malheureusement loin du classique « Rapture ».
L'énergie et l'envie d'explorer différents genres et univers, typique de Blondie, tout est bien là, c'est juste fait avec trop peu d'inspiration, aussi bien du côté de l'écriture mélodique que de la production, où l'on sent nos deux compères de Chic galérer à suivre les idées bariolées de Chris et Debbie. Chez Sheila, les expérimentations fonctionnaient car tournaient toujours autour du Disco, ici elles se perdent. KooKoo est un album bordélique, parfois étonnant, dans lequel il peut encore être plaisant de se perdre. Je fous ça où du coup, moi ? Dans ma playlist Blondie ou ma playlist Chic ?