En 77 voilà Eddy relancé après quelques années plus difficiles (1ère moitié des années 70). Depuis, il y a eu « Rocking in Nashville » (75) et « Sur la route de Memphis » (76) qui ont remis la machine en route et surtout lui ont fait retrouver le public. Il remplit à nouveau les salles de concert. Il nous sort ensuite cette « Dernière séance » qui doit son nom à une des ses meilleures chansons, largement autobiographique et touchante. Une chanson qui donnera son nom en 82 à une fantastique émission télé animée par le Sieur Moine et qui fera découvrir tout un pan du cinéma américain à une jeune génération dont j’ai fait partie. L’émission a d’ailleurs été tournée dans le cinéma Le Trianon de Romainville, un des rares préservés des années 50. Comme d’habitude maintenant, l’album est divisé en 2 types de morceaux : les originaux signés avec Papadiamandis et les reprises adaptées en français. L’un comme l’autre, ce sont de véritables petits films que nous racontent Eddy, parfois drôle, parfois plus grave.

Côté reprises, elles sont plutôt réussies : Hommage au King récemment disparu, la "Voix d'Elvis" présente entre autres une basse impressionnante de stabilité qui dominera tout l'album. "Laisse Tomber Le Ciel" suit les traces de "Pas de Boogie Woogie" avec un Eddy très sûr de lui dans le registre gospel. "La Colline de Blueberry Hill" est une petite ballade country blues ravissante, légère comme une plume. Mais surtout, "Charlie Brown", avec son saxo à la Benny Hill et son refrain enfantin, dégage de vraies bouffées de tendresse et d’humour. Des reprises sympas mais pas de quoi non plus se réveiller la nuit. Elles ont l’avantage de réunir 3 des passions d’Eddy sur un même album, le rock, le ciné et la BD. C’est quand même du côté des originaux que se trouvent les pépites de cet album, les textes comme les mélodies sont des petites merveilles. D'abord, "Sens Unique". Petite perle très méconnue, cette chanson piquante qui tape pile sur le petit orteil de la bien-pensance et de l’uniformité est servie par une efficacité mélodique terrifiante. J’aime quand Eddy se fait caustique comme ça, très simple, mais très accrocheuse, et totalement « Schmollienne » dans son essence ! Ensuite, pour clore le disque sur une merveilleuse note, "Le Chanteur Du Dancing", avec des harmonies somptueuses, une construction sans failles, un portrait subtil d’un « loser magnifique », l’alliance Moine-Papadiamandis relève ici de la magie. Un titre méconnu et pourtant à redécouvrir car il nous montre Eddy au meilleur de son écriture et de son chant. L’histoire simple se déroule sous nos yeux sans pathos, sans en faire des tonnes, pas la peine.

Et puis, reste la pièce maîtresse, cette « Dernière séance », un chef d’œuvre de la chanson française, ne mégotons pas, un hommage touchant au cinéma de son enfance, quand son père l’y emmenait et une nostalgie de ce qui est perdu et qu’on ne retrouvera plus, visant en particulier les transformations de Paris dans les années 70 et Belleville en particulier, qui ont conduit à la disparition de son cinéma :

« La photo sur le mot fin/Peut faire sourire ou pleurer/Mais je connais le destin/D'un cinéma de quartier/Il finira en garage/En building supermarché/Il n'a plus aucune chance/C'était sa dernière séance/Et le rideau sur l'écran est tombé »

Dans la nouvelle version (un peu ratée) qu’il en a donné dans son album de 2009 « Grand Écran », il finira par une litanie des cinémas parisiens fermés et rasés, assez terrible. Pas question de faire dans le passéisme avec Eddy, jamais. Pour lui, ça n’était pas mieux avant mais c’est clairement pire aujourd’hui…Rien à redire, à part quelques titres un tout petit peu en dessous (en chipotant) comme « Pire qu’une chanson d’été », ça reste du grand Eddy, très grand même, inspiré, même vocalement. Et son alliance avec Papadiamandis va continuer pendant de nombreuses à nous offrir de merveilleuses tranches de vie, dans lesquelles chacun et chacune peuvent se retrouver.

JOE-ROBERTS
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le 25 sept. 2024

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