J'ai toujours eu beaucoup de mal avec Orelsan. Je ne remettais pas en cause son talent. Il est incontestable. C'est probablement sa voix de canard posée sur des prods très Pop qui m'agaçait. J'y trouvais peu de prises de risque, il rappait correctement mais privilégiait le fond à la forme. Personnellement, je préfère les punchline profondément stupides rappées en multisyllabique aux rimes pauvres malignes. Si je veux lire des choses intéressantes, j'ouvre un bouquin au lieu de traîner sur Rapgenius.
Orel m'avait déjà surpris sur "Qui dit mieux", un feat avec autres 3 rimologues expérimentés (Suikon Blaz AD, Gringe et Vald) sur lequel il s'est brillamment essayé à l'Autotune pour poser un couplet d'anthologie. Avec une arrogance totale et des images hilarantes ("J'ai le flow d'un tapis Twister" s'il vous plait), il se revendique comme appartenant au mouvement Hiphop, disant préférer le Flex à la modestie. Il évoquait alors tout ce que je défends dans le rap: que cette musique n'est qu'un divertissement et un espace de liberté créatif propice à l'amusement. Ce lien d'appartenance, on le retrouvera tout au long du disque avec notamment dans "Epilogue", une référence au monument emblématique de la production: DJ Mehdi (R.E.P. <3)
Quand j'ai lu "Feat Damso" à la sortie du premier extrait, mon coeur a fondu. Celui que je croyais dans le moule Canal, jouant de son statut d'enfant de campagne pour parler de sujets qui touchent ceux qui n'écoutent pas de rap habituellement, décide de faire découvrir à son audience un rappeur contesté pour sa mysoginie. Me voilà obligé de tirer mon chapeau. Surtout quand Orel va chercher l'Ordre Collectif pour réaliser le clip, déjà réalisateurs de "1000 degrés" de Lomepal, "W.L.G." de Niska entre autres, mais surtout auteurs du clip de l'année: "10 Balles" de Kekra. J'entame donc l'écoute du disque avec un bon pressentiment.
Le constat est sans appel: San écrit toujours aussi bien, mais cette fois-ci ça fait mouche dans mes oreilles. Je parviens à oublier sa voix nasillarde pour me concentrer sur ses textes. Une réussite totale dûe au travail immense de Skread, le producteur historique d'Orel. Au diable les synthés pop un peu tache qu'on pouvait retrouver sur ses autres albums, ici place à la modernité. Des sonorités trap qui permettent à Orel d'emprunter des flows actuels. Skread nous offre même des prods d'influence 2Step et Garage, qui ont fait les plus grandes heures de la Grime. Logique qu'Orel ait eu envie de s'y essayer quand on sait qu'il a comme principale influence Dizzee Rascal. Pour qu'Aurélien me conquière d'avantage, je n'attends plus qu'un feat avec le plus anglais des rappeurs français, j'ai nommé Kekra.
Enfin ça y est, me voilà dépucelé. Je ferai désormais partie des gens défendant corps et âme sa plume sans trahir la vision que je me fais de la musique urbaine. Merci Orel de m'avoir appris que même quand une mauvaise fête est finie, celle d'après sera probalement plus réussie.