LA voix du flamenco ! Et quelle voix....L’album de la rupture !

Bonsoir à tous,


J' adore le flamenco ! Cette musique me transporte totalement. J' ai découvert ce genre à travers Carmen Linares. Je n' ai découvert Camaron qu' après de multiples autres écoutes, afin d' avoir un point de comparaison, et pouvoir mieux le juger. Et ça a été une révélation pour moi ! Ce mec est un pur génie ! Il y a de vrais morceaux d' anthologie dans ses albums, pour peu qu' on y soit sensible....


C' est pourquoi ce soir, je vais faire la critique de cet album que j' aime particulièrement. Petite précision, au passage. La génération spontanée n’ existe pas plus dans le cante flamenco, ou plus généralement dans la musique, que dans d’ autres domaines - "¡A la escuela, hay que ir !", disait Pepe de la Matrona.


« Plus qu'un révolutionnaire, je le vois comme un créateur et un rénovateur de la musique et des formes du flamenco. Son disque La Légende du temps est pour moi un des joyaux de la discographie flamenca de cette seconde moitié du siècle », écrivait Antonio Morciano à la mort du célèbre cantaor, dont le véritable nom était José Monge Cruz.


Petit résumé rapide de sa vie. Il est né calle del Carmen, à Isla de San Fernando, dans la province de Cadix, le 5 décembre 1950, d'une famille gitane originaire de Jerez depuis 1693. Ses parents chantaient : le père se produisait dans des seguiriyas qui donnaient le frisson, la voix de la mère pouvait, disait-on, se convertir en création. De bonne heure, il joue de la guitare et accompagne des amis comme Capinetti ou Miguel Perez. À huit ans, à la Venta Vargas, il entend Manolo Caracol et la Niña de los Peines, et, dans d'autres endroits, Aurelio Sellé, Manolo Vargas, Pericon ou Flecha. Et il chante déjà avec son camarade « Rancapino » dans les autobus ou les trains qui les mènent à San Fernando, à Chiclana ou à Jerez ; ils sont assez connus des receveurs pour qu'on ne réclame d'eux que de chanter. C'est alors qu'un de ses oncles, pour se moquer affectueusement de son teint pâle, lui dit qu'il a l'air d'un camarón de la isla (une crevette de l'île). Il gardera désormais ce surnom, qui lui plaisait. Il avait rêvé d'être torero, mais il trouvait le même risque dans la vocation musicale : « Le chanteur est comme le torero, disait-il. Lui seul sait ce qu'il sent. » Il entame bientôt sa trajectoire personnelle dans les troupes de Miguel de los Reyes, Dolores Vargas et quelques autres. À dix-huit ans, il enregistre son premier disque avec Paco de Lucia, le guitariste qui le conduira à modifier son style, et, trois ans plus tard, obtient, au concours de Mairena del Alcor, le premier prix Antonio-Mairena, un des plus grands noms du cante jondo.


Les albums de cette période, 1979-1990, sont des oeuvres construites avec tous les artifices du studio, et n’ ont plus grand rapport avec les récitals de Camarón, comme le montrent les trois enregistrements publics parus pendant cette période (cf : ci-dessous). le cantaor n’ y chante que peu de ses créations pour le disque, préférant souvent des modèles mélodiques plus traditionnels, et son programme reste inamovible - Alegrías et Cantiñas, Bulerías, Tientos-Tangos (cf : ci-dessous), Fandangos + éventuellement cantes de Minas ou Soleares.


Dans ces conditions, le rôle du producteur devient crucial. Le temps de gestation est donc plus long : deux ans en moyenne entre deux albums successifs (un an pour la première période), pour un nombre plus réduit de cantes (8 en général à partir de 1981). En rupture avec la période Antonio Sánchez Pecino, Ricardo Pachón devient le principal responsable de l’ évolution discographique de l’ artiste, même si ce dernier tente de se libérer de sa férule, brièvement et sans grand succès, en 1987. Notons que le disque-testament de Camarón (1992) est produit par Paco de Lucía.


Cependant, "La leyenda del tiempo" apparaît à bien des égards comme un disque exceptionnel. Camarón ne reviendra ensuite que très parcimonieusement à la mise en musique de textes empruntés à de grands auteurs de la poésie espagnole. Surtout, le disque suivant marque un retour au format instrumental de la première période - duo de guitares, Paco de Lucía et Tomatito, qui sera présent sur tous les disques postérieurs, sauf en 1989. Les expérimentations sonores disparaissent aussi : si l’ on excepte quelques orchestrations, l’ effectif instrumental, en plus des guitares, et seulement sur une partie des titres, est limité à la section rythmique basse / percussions et à la flûte (les musiciens sont presque systématiquement membres du sextet de Paco de Lucía).


Après avoir mis fin à sa collaboration avec Paco, Camaron revient avec ce brûlot hérétique et monstrueux dans son impureté esthétique. Pour la première fois dans l’histoire du Flamenco, l’orchestration s’aventure aux confins du rock et du jazz, intégrant des instruments inhabituels comme guitares, basse et pianos électriques, batterie et percussions diverses, et le répertoire prend résolument la tangente des grands genres institués. Les puristes crient au blasphème alors que Camaron, plus ou moins consciemment, en osant la modernité la plus radicale, entraîne l’auditeur vers un paradoxal retour aux sources mythiques de cet art hybride et composite. Soudain, l’Orient et ses traditions ornementales mauresques et byzantines, l’Asie et ses modes complexes et mystérieux, la solennité spirituelle de l’Église chrétienne primitive, l’expressivité nostalgique du peuple gitan – tous ces idiomes emmêlés, fondus dans la matrice andalouse flamenca, semblent resurgir ici soudain dans leur pureté originelle. Un chef-d’oeuvre incontournable !


Sur ce, je vous encourage très fortement à découvrir ce génie absolu, considéré comme un Dieu en Espagne. C' est Jouissif ! Ecoutez Camaron ! Portez vous bien. Tcho. @ +.

ClementLeroy
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le 23 mai 2016

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San  Bardamu

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