Pas un chef-d'œuvre, LE chef-d'œuvre de Balzac !!
Bonjour à tous,
Plus d'une fois, je m'étais promis de lire "Illusions perdues" et "splendeurs et misère des courtisanes".
De report en report, j'ai fini par trouver le temps et la patience d'attaquer de front ces "pavés" de la littérature française.
Quel ne furent pas mon enthousiasme et mon impatience quand j'apprenais, page après page, les péripéties du jeune Lucien courant après la vie mondaine et voulant à tout prix dominer la vie parisienne !
Pourtant, je dois avouer avoir eu du mal a dépasser les longues descriptions des décors et personnages quand j'attendais en trépignant l'aboutissement des intrigues tissées autour des Séchard et de Lucien.
Ce dernier a tout pour réussir, la beauté et l'intelligence, il fera pourtant tout échouer.
Obstiné à réussir dans la société contre l'avis de ses proches, Lucien traversera de bien mauvais moments, lui faisant regretter d'avoir fait fi de ses principes. Son caractère inconsistant a été superbement décrit par son ami d'Artez, qui lui montrera que seul un travail patient, acharné et continu peut aboutir à des résultats concrets et durables.
Mais Lucien veut tout, tout de suite.
De là, s'enchaîneront les successions de malheurs et de bonheurs qui lui seront fatals.
On peut aimer ou pas, Illusions perdues reste l'un des plus grands chefs d'œuvre de la littérature française. Véritablement !!
De quoi parle ce " classqiue " ? L'histoire est simple : un jeune provincial ambitieux monte à Paris, devient le prince des nuits parisiennes et finit déchu, emporté par des forces qui le dépassent. Voilà une histoire maintes fois racontée, pour le moins répétitive.
Lucien de Rubempré, c’est l’archétype du héros balzacien, un modèle indépassable, comme un condensé de La Comédie humaine. Lucien de Rubempré, c'est une météorite qui traverse deux romans (et lesquels !), petits bréviaires à l'usage des jeunes gens pressés, dans une éblouissante féerie d'ombres et de lumières,.
On a fait des "Illusions perdues" l’emblème de "La Comédie humaine", le roman abouti par excellence. Je crois que c’est à juste raison. Car si l'on peut résumer en quelques lignes cet ouvrage monumental, on ne rend aucunement compte du foisonnement, de l'exceptionnelle galerie de portraits qui défile devant les yeux du lecteur. C’est bien là que le génie balzacien est à son zénith, quand tout un monde se met à vivre, à se mouvoir comme animé de ses propres ressorts et que ce monde semble si familier qu’il est nôtre.
On jettera pêle-mêle l’honneur suranné du marquis de Bargeton, l’intransigeante exigence de Daniel d’Arthez, la vitalité époustouflante et mortelle des Lousteau, Nathan, Blondet, le tranchant cinglant de la marquise d'Espard, l'impitoyable avarice du père Séchard, la pusillanime fatuité de Sixte du Châtelet, la faiblesse criminelle de la soeur et de la mère de Lucien, etc.. Mais aussi, ou encore, les journalistes parisiens, le cénacle, le salon de la belle Anaïs, le monde de l’imprimerie, les courtisanes, etc.. Et quelques grands moments de bravoure, d'écriture si brillante qu’elle ramène le commun des mortels à l’état méprisable du ver de terre. Je citerai parce que ça reste à mes yeux l’exercice de style même, le premier article qu’écrit Lucien à Paris, "Panorama dramatique". La virtuose modernité de ce trait de trois pages est comme un coup de poignard dans le cœur car, se dit-on, qu’écrire après ? Quel avenir quand tout a été dit, jeté plutôt sur une feuille, linceul annoncé de toutes les ambitions littéraires, petites et grandes ? Je laisse les critiqueurs mesurer leurs faiblesses à l'aune de ce monument. Je ne finirai pas sans énoncer un paradoxe qui m'est personnel. Bien que reconnaissant l'incontestable prééminence des "Illusions perdues" dans l’oeuvre de Balzac, je reste légèrement en retrait. Ce livre presque parfait n’est pas mon préféré de "La Comédie humaine". Pourquoi ? Et bien les coupables atermoiements de Lucien m’ont toujours profondément dégoûté à point tel que cela a fini par rejaillir sur le plaisir sans limites que j’aurais dû éprouver. Pourquoi alors montrer plus d’inclination pour "Splendeurs et misères des courtisanes", dont l'équilibre est précaire ? Les "Illusions", c'est le roman de Lucien, "Splendeurs" l’apogée de Vautrin, la statue du Commandeur.....
Or, une grande inspiration, un œil décidé et c'est parti pour cette critique qui me tient tant à cœur. C'est que j'ai peine à vous dire tout l'amour que j'ai pour Balzac en général et pour les Illusions Perdues en particulier.
Il est tellement malmené au lycée, on lui fait porter un tel chapeau à mon pauvre petit Honoré, on nous donne souvent tellement peu envie de s'aller essayer à la Comédie Humaine que c'en est presque consternant. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir varié tant la taille que le type de ses écrits, mais tout tourne autour de 4 ou 5 titres qu'on se refile d'année scolaire en année scolaire, comme un vilain rhume.
Ici, vous êtes au centre de l'édifice énorme, labyrinthique, monumental que constitue la Comédie Humaine, au cœur du donjon, pilier porteur essentiel.
Quand bien même n'aurait-il écrit que cet unique roman que Balzac eût été, sans nul doute, l'un de nos plus grands écrivains de langue française.
L'auteur déploie dans ce livre sa quintessence, celle qui en fait un géant de la littérature française et mondiale. Pas UN Balzac, mais LE Balzac, le MAGIC-BALZAC comme on le rêve : riche, tonique, corrosif, lucide, drôle et tout, vraiment tout, ce qu'on peut attendre d'un roman du XIXème siècle.
Chapeau bas Monsieur Balzac ; on a beau dire, on a beau faire, ils ne sont pas si nombreux ceux qui vous arrivent à la cheville et, s'il fait moins vibrer les trémolos du pathos que ne le fait Victor Hugo, ne nous y trompons pas, cette œuvre est du calibre des Misérables, aussi franche et savoureuse que Le Comte De Monte-Cristo, les deux seuls romans francophones de ce siècle à pouvoir faire moindrement le poids face à ce monstre sublime que nous a légué Honoré de Balzac.
La première partie intitulée Les Deux Poètes nous présente, vous l'imaginez, les deux amis : l'un, David Séchard, fils d'un imprimeur d'Angoulême, économe, la tête sur les épaules, qui a fait des études à Paris et qui a surtout compris qu'il ne pourrait jamais compter sur son père, aussi avare dans son genre que le père Grandet (voir Eugénie Grandet) ce qui n'est pas peu dire. L'autre, Lucien Chardon, fils d'un apothicaire, issu d'une branche noble par sa mère, les " de Rubempré ", possède un talent littéraire indéniable et semble attiré par le grand monde et les lumières de la grande ville comme les papillons sur les lampes à incandescence.
La question étant de savoir s'il se brûlera les ailes auprès de Madame de Bargeton, une célébrité aristocratique locale. Le titre du roman pourrait presque, à l'extrême limite, vous donner un tout petit indice, mais je n'en suis pas bien sûre...
La deuxième partie, Un Grand Homme De Province À Paris, comme son nom l'indique, déplace l'un des personnages principaux, Lucien Chardon (ou de Rubempré selon qu'on considère ou non son ascendance noble du côté maternel), d'Angoulême à Paris.
Lucien quitte tout pour les beaux yeux de Madame de Bargeton, une aristocrate provinciale qui s'est éprise de lui. Très vite, le grand monde va se charger d'exclure ce rejeton illégitime de la noblesse et donc, de faire cesser l'admiration de Mme de Bargeton pour son petit protégé de poète.
En moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, seul et avec le coût exorbitant de la vie parisienne, Lucien se retrouve dans l'indigence la plus noire, avec pour seul espoir, sa jeunesse et son talent de plume. Il a le bonheur de faire la connaissance de Daniel d'Arthez, jeune écrivain incorruptible, initiateur du Cénacle, cercle d'amoureux des arts, prêts à tout pour aller jusqu'au bout de leur art sans tremper jamais dans aucune compromission, d'aucune sorte.
Lucien sera très vite fasciné par cet droiture morale, cet ascétisme de pensée et de travail, dont les résultats commencent à porter leurs fruits dans son esprit critique et dans son maniement de la plume.
Cependant, Lucien, pauvre comme les pierres, va lorgner abondamment vers les lumières du journalisme et ses succès faciles, richement rétribués. L'ascension de Lucien va être fulgurante, lui permettant au passage de tailler des costards à ses vieilles connaissances angoumoisines qui l'ont si lâchement laissé tomber à son arrivée dans la capitale.
Néanmoins, être talentueux n'est pas sans risque, comme vous le découvrirez à la lecture de cette partie.
Balzac nous offre des pages sublimes et dresse un portrait corrosif et peu flatteur tant du journalisme que du monde de l'édition. Un portrait qui sent éminemment le vécu et qui ne semble pas avoir pris une ride.
Les requins et les fourbes d'aujourd'hui ne sont guère différents de ceux d'hier. C'est en cela que l'universalité et le talent de visionnaire de Balzac était (Baudelaire s'en émerveillait), est et demeurera impressionnant.
Dans la troisième et dernière partie baptisée Les Souffrances De L'Inventeur, après ce long épisode parisien ayant Lucien pour protagoniste principal, Balzac poursuit en synchronique avec la destinée de sa sœur Ève et de David Séchard, restés à Angoulême dans le même temps.
L'auteur y développe, avec un luxe qui sent trop le vécu pour ne pas avoir son origine dans ses propres mésaventures personnelles, la savante machinerie de l'extorsion de l'invention d'un concurrent par le biais des lois, le concours des créanciers et l'entremise des hommes sensés être les garants de l'équité sociale. Ainsi, David Séchard, mis dans de cruels draps par les trois faux billets de mille francs signés à son insu par Lucien, se retrouve entre les griffes voraces des frères Cointet, imprimeurs, usuriers et banquiers d'Angoulême.
Malgré la défense héroïque du secret de fabrication de David par les deux infortunés époux Séchard, le destin s'acharne à leur vider les poches (enfin, le destin, c'est surtout les frères Cointet, Petit-Claud, l'avoué véreux, le fourbe Cérizet, l'avare père Séchard et Lucien involontairement par-dessus le marché).
Lucien, voyant dans quelle déroute il a mis sa sœur et son beau-frère est prêt au sacrifice suprême, mais il rencontre un bien singulier prêtre, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un ancien bagnard qu'on a bien connu dans Le Père Goriot...
Balzac règle ses comptes avec les usuriers, banquiers, notaires, avocats et autres juges. Bref, une fin sublime pour ce roman qui ne l'est pas moins, et de bout en bout, mais tout ceci, vous l'aurez compris, n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand chose, le mieux, et de loin, que vous ayez à faire, c'est de le lire. Je vous rembourse la différence si vous n'y trouvez pas votre compte et n'êtes pas satisfaits.
P. S. : c'est dans ce roman que Balzac invente un néologisme qui fera long feu, notamment via Jacques Brel, à savoir la " soulographie ".....
Bonne lecture !! La lecture est source d' espoir et de vie, enfin ça dépend quand..... Portez vous bien. Tcho.