La vague
5.7
La vague

Album de Izïa Higelin (2014)

Il est à la fois plus simple et plus compliqué d’être un « fils ou fille de ». Plus simple parce qu’il parait évident que les portes s’ouvrent souvent un peu plus vite que pour d’autres. Le revers de la médaille étant qu’elles sont parfois à double battants. Et Izia Higelin en est un parfait exemple. Issue d’une famille éminemment connue pour ses talents musicaux, elle montre dès son premier album un certain brio dans un univers très Rock qui n’est pas forcément ce qu’il y a de plus vendeur dans l’hexagone, le tout avec un talent visiblement inné pour la scène.
Mais elle doit aussi faire face à aux critiques habituelles entourant ce type de contexte. Parachutée en première partie d’Iggy Pop alors qu’elle n’a que 16 ans, Victoire de la Musique en 2010 puis césarisée l’année suivante… De quoi faire jaser et irriter certains, quand bien même les faits montrent que c’est plutôt mérité et qu’il n’y a pas, à mon humble connaissance, vraiment mieux ailleurs dans le genre.
Pour couronner le tout, la voici qui se lance dans un gros virage pop qu’aucun de ses fans ne semblait attendre. Habile méthode pour vendre plus de disque (sous la coupe du grand méchant Universal) ou réelle et naïve volonté de changer de cap et éviter toute lassitude ? Difficile d’être totalement affirmatif, la réalité se trouvant probablement quelque part entre les deux. Mais c’était en tout cas suffisant pour me donner l’envie de me faire mon propre avis sur la question. Sans être spécialement fan de son album éponyme et de So Much Trouble, j’apprécie globalement ce qui est sorti jusqu’ici.


Il est clair que La Vague n’a rien de foncièrement original. Il est même tout à fait dans l’air du temps. Ce mix de sonorités pop mêlées à du synthétique et saupoudré de rock, on le retrouve chez nombre de chanteuses et groupes internationaux très « hype » : St. Vincent, Marina & The Diamonds, Sky Ferreira, Banks, AlunaGeorge ou même sur certains aspects Santigold (sur Reptile par exemple). Nul doute qu’elles sont toutes des inspirations plus ou moins conscientes faisant partie de la genèse de l’album. Les médias aiment à voir en IZIA la concurrente idéale en France à Christine & The Queens. De mon côté, si je dois faire une analogie, elle est plutôt à voir aujourd’hui du côté de Lilly Wood & The Prick. Pas avec l’immondice de remix qui tourne en boucle ces derniers mois, mais avec leurs véritables albums, surtout le premier. (Petit aparté… Je me demande d’où provient cette mode de choisir un nom de groupe composé par « Prénom & The machintruc » ? J’en arrive à les confondre à force.)
Dans tous les cas, on a à faire avec neuf titres bien produits, aux arrangements assez fins, d’une qualité plutôt homogène et contenant nombre de mélodies rentrant facilement dans la tête. L’ensemble conserve aussi suffisamment de personnalité pour se distinguer clairement de la masse et contient tout de même quelques petites réminiscences de ses précédents opus, notamment sur Silence Radio, le titre que je préfère, ou sur Reptile. Par contre, c’est quand même un peu court. Deux ou trois titres supplémentaires n’auraient pas été de refus.


Là où IZIA restait la plus attendue au tournant, c’est sur le passage, souvent casse-gueule, à la langue française. Surtout qu’elle a écrit (ou coécrit) tous les textes de l’album. C’est bien connu, lorsqu’un groupe français chante en anglais, tout le monde se contrefout des paroles mais dès lors qu’il utilise la langue de Molière, on prend un malin plaisir à décortiquer chaque phrase pour mieux le saboter. Tournant ici régulièrement autour du thème de la rupture, ils restent dans une bonne moyenne, ni spécialement profonds ni trop niais, et toujours soutenus par une interprétation bien incarnée. L’exemple le plus frappant reste Les Ennuis, sur lequel elle rend la pareille à Orelsan qui l’avait invitée sur l’album des Casseurs Flowteurs. Si l’on se contente de lire les paroles, c’est somme toute assez bateau, mais à l’écoute Izia parvient à y apporter la pointe d’émotion, de sensualité et de sincérité pour que le titre fonctionne. Qui plus est sa voix claire et posée s’adapte finalement plutôt bien à ce nouveau style.


Au final La Vague n’est sans doute pas inoubliable mais s’avère un sympathique album pop comme la France en sort trop peu. A dire vrai, quelques titres tournent pas mal dans mes écouteurs ces derniers jours, c’est que je dois être conquis. Si tout ce que produisait Universal était au minimum de ce niveau, il n’y aurait que peu de critiques à leur faire. Je ne sais pas si elle persistera dans cette voie, mais Izia semble en garder encore sous le pied et pouvoir rendre une copie encore plus aboutie la prochaine fois.


Pour revenir à l’introduction de cette critique, je pense que le pari est finalement plus risqué qu’il n’y parait. Pas assez dans le moule pour passer en boucle en télé au-delà de 2 ou 3 émissions aux audiences limitées et suffisamment déroutant pour perdre en route une partie des fans de la première heure.
Toujours est-il qu’à voir les quelques captations live faites par le public sur les premiers concerts de sa tournée, il y a bien un point sur lequel IZIA continuera de créer le consensus : c’est une bête de scène. La plupart des nouveaux titres devraient y gagner et je serais bien tenté de voir ça de plus près si l’occasion se présente. Trop tard pour le concert parisien de la semaine prochaine (le 5 mai) mais ce sera sûrement pour le prochain. Je ne doute pas d’y passer une bonne soirée.


Quelques extraits live glanés sur Youtube pour finir :
https://youtu.be/8iyPkZ7-fYU
https://youtu.be/eM95byAWCY8


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le 28 avr. 2015

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