La vague
5.7
La vague

Album de Izïa Higelin (2014)

Difficile, après avoir connu la sauvage Izia des deux premiers albums, et ce pour bon nombre, de rester en souriant devant cette Vague de 2015. Le virage suscite des réactions et ouvre des débats, à savoir, au-delà de ce qui l'a poussé à faire ça, ce qui résulte selon elle d'un choix artistique et réfléchi : Est-il possible de trouver en cet album la même force musicale qu'un album de rock bien gras ?
Je viendrais vous dire que oui. Ce projet musical porte une grosse problématique de la musique d'aujourd'hui, quelque chose qui me perturbe un peu. On lui reproche de faire de la pop de petite ado en fleur, tandis qu'elle clame que c'est l'album le plus adulte qu'elle ait pu faire. Et en même temps, on regarde le rock seventies/grunge de ses débuts, c'est-à-dire la musique qu'elle faisait quand elle avait 16 ans, et on se dit qu'elle a été initiée très tôt à tout cet univers emblématique musical. Son entourage a fait du bon boulot.


Si je suis d'un naturel plutôt froid envers la musique francophone en général, c'est à cause du manque de personnalité des interprétations des textes de nos jours. Tu prends Indo, les textes sont des sources d'ecstasy enfantines notables, ça n'empêche pas Sirkis d'y ajouter un truc, le groupe a une bonne gestion des instrus et ça devient cool par exemple. Là, c'est à peu près pareil. Dans ce cas, on est face à du texte simpliste mais avec un très bon jeu d'acteur derrière, une nana qui montre qu'elle a envie de partager ses chansons, et tout ça avec un certain professionnalisme : propreté des arrangements au programme et mise en valeur vocale maîtrisée.
La propreté, c'est ce que les plus réticents reprocheront, car le rock a cette particularité d'offrir une chaleur, une rage, une sauvagerie qui va au-delà du son et puise dans l'attitude. L'électro est quant à elle fantomatique. Froide, lourde, sombre, terne et vaporeuse.
Ces termes ne vous évoquent rien ? Moi oui. Fin des années 70, la cold et la new wave s'installent dans le paysage musical.
Si La Vague n'explore absolument pas ces genres de fond en comble (les influences s'éparpillent avec beaucoup de pop ponctuée de rock aussi par moments), on peut quand même y sentir les esquisses derrière les synthétismes constants : le but est aussi de faire parler le clavier. Mais n'oublions pas que ces courants sont des dérivés de tout ce qui touche au rock/post-punk qui s'est popularisé plusieurs années avant. En d'autres termes, tout n'est pas à prendre à la légère, puisque c'est justement ici qu'on n'a pas totalement perdu Izia.


Petit aparté : l'album est dans l'air du temps, aucun doute là-dessus, car ces influences 70's/80's reviennent au goût du jour dans la pop. Et ce que je trouve incroyable, c'est qu'on s'en plaigne. Et on s'en plaint non pas à cause des sons, mais de ce que le genre représente aujourd'hui. La pop, la grosse, la brute, n'a jamais autant souffert que depuis l'arrivée de la mode des DJ depuis la décennie précédente, juste après une mode qui tournait davantage autour des garage bands. Aujourd'hui (désolé pour le petit côté reportage mais vous allez voir où je veux en venir), on s'aperçoit que les productions se sont adoucies, tendent vers le "vintage", le minimalisme, et pourtant on regarde toujours ça avec le même œil dédaigneux. Le choc a été rude. Traumatisme pour les populations et peut-être perte des moyens d'analyse des sons plus profonde en conséquence, ce qui est dommage. Mais je comprends, difficile de faire le rebelle avec une boîte à rythmes et un synthé.


Ayant apprécié l'album et acheté ma place pour aller la voir le 26 novembre à Lille, je m'attendais, du coup, à voir tout sauf une nénette qui essaie de se trouver des prétextes pour vendre son album aux Victoires de la Musique, ce qui fut totalement ça. Elle-même le dit, elle est sincère dans sa démarche. Izia, c'est Izia, La Vague, c'est La Vague, et sa scène, c'est son terrain de chasse. Alors je vous convie fortement à vous intéresser à ses lives, à voir à quel point elle a de la ressource, et que si elle veut faire du rock, elle en fait quand elle veut (NB : j'ai pu lui parler après le concert, elle semblait déterminée à faire d'autres albums en français et à se consacrer an grande majorité à cette langue). Si elle veut gueuler, elle le fait quand elle veut, et la même rengaine si elle fait du français, de l'anglais ou du papou.
C'est ça être rebelle et rock'n'roll.

Clavicule
7
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le 15 avr. 2015

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Clavicule

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