Je n'avais jamais entendu parler de 29/09 avant de tomber sur eux un peu par hasard sur RYM. Pourtant le groupe est nantais et semble avoir fait parler de lui lors de la sortie de son unique album, il y a bientôt 13 ans.
Le projet a été créé avec une volonté d'éphémère, suite à une déception amoureuse du batteur-chanteur Fikce, afin que ce dernier puisse cracher toute sa frustration suicidaire et nihiliste à l'égard de celle dont il ne partage plus le quotidien. Le groupe a donc dans son ADN cet aspect fugitif, d'une idée dont l'intensité est égale à la brièveté, et dont le tumulte s'est éteint avec la négativité du sentiment qui lui était associé.
Autant vous dire que ce disque est un concentré de bile rance, de crachats infâmes et d'insultes minables. Jugez-en par vous-mêmes :
"le suicide te va si bien /
tu devrais le porter plus souvent /
même si ce n'est que l'espace d'un instant /
je suis sûr qu'il t'irait comme un gant /
il fait froid dans mon cœur (meurs) /
alors couvre-toi de douleur d'essence et de chaleur (meurs)"
Chaque morceau déploie de nouveaux affronts, des appels au suicide, des volontés de destruction mutuelle et de mise à mort. Mais titre après titre, la vulgarité se transforme en prose repoussante puis en poésie morbide qui n'est pas sans exercer une certaine fascination.
La spontanéité crue des paroles n'empêche pas la plume habile de s'exprimer :
"toi et ton nom, comme tous ces souvenirs qui pourrissent sous mon front, /
reviennent comme des flashs, me donnent des pulsions, /
commettre un seul meurtre: en aimer la vision"
À trop en analyser la démarche, on pourrait en oublier la musique qui pourtant ne démérite à aucun instant. Sorte d'explosion bruitiste aux confins des musiques émotives et extrêmes, emoviolence aigre ou grindcore écorché ; chaque morceau est impeccable d'exécution et de composition. Entre les breaks dissonants et incendiaires et les blast beats impitoyables d'une batterie amère, les riffs convulsifs encadrent les paroles scandées comme sur "Quand la mer monte" et ses "Il fait trop noir / Je ferme les yeux" répétés ad nauseam.
Il y a dans cette explosion impudique de désespoir, de souffrance et de rancœur quelque chose de formidablement intense, dont la noirceur sans nuance prend un goût d'inévitable devant les éructations d'un type qui souhaite autant la mort des autres qu'il la désire pour lui-même. Un sentiment prolongé par le dernier morceau, longue agonie d'une dizaine de minutes où les cordes frottées accompagnent le chanteur qui nous hurle qu'il va mieux en pleurant et en couinant.
Il y a dans cet abandon complet de fierté, dans cette complaisance dans un malheur adolescent quelque chose de malsain et de paradoxal. Une grande pureté finit par s'exprimer dans la calomnie, une beauté fanée dans l'injure stupide.
"La Violence thérapeutique" est une performance musicale assassine dont les paroles prennent des atours d'auto-persuasion immature, une auto-mutilation tout en hurlements et déferlements de décibels crades. Quelque chose d'incroyablement pathétique où les "Je vous déteste" finissent par être des "Je t'aime" contrits et les "Pends-toi" des "Reviens-moi" désespérés.
Une épitaphe comme un témoignage : même dans la décharge, la fleur finit toujours par pousser.
- Chronique originellement publiée sur Horns Up