En roue libre depuis quelques temps, David Bowie se paie de nouveau le luxe d'un autre album très dispensable... Les fans de la première heure achetèrent le disque sans l'écouter et burent le calice jusqu'à la lie en désespérant de retrouver un jour la magie noire et la grâce lumineuse des années 1970. Ici Bowie n'en finit pas de tourner en rond pour nous perdre encore une fois. Le mauvais sort...

Alors que Bowie avait marqué la pellicule en 1976 dans le rôle de Thomas Jérôme Newton, son incarnation spectrale, un véritable double en miroir - l'étrangeté de l'androgyne extraterrestre aliéné par la masse - il lui fut alors impossible de réaliser la bande originale du film tant la cocaïne épuisait ses dernières forces à Los Angeles : "il était cramé" selon le producteur Harry Maslin. Néanmoins deux photographies issues du film illustrèrent les pochettes des magnifiques Station to Station et Low, sorte de bande originale par procuration en particulier pour le chef-d'oeuvre du château d'Hérouville. A la même période, il enregistrait pour son fiston la narration de Pierre et le Loup avec une distinction très british plutôt plaisante : les fans eurent de quoi collectionner à foison. Il poussa même la chansonnette sur la bande originale du film Gigolo dans lequel il campait un jeune aristocrate perdu dans le Berlin des années 1930 : The Revolutionary Song ne restera pas dans les annales mais jusqu'alors Bowie gardait la tête haute...

La décennie 1980 change la donne de toute évidence. Bowie prête sa voix à la bande originale de films divers et variés : les chansons When The Wind Blows ou This Is Not America (pour l’excellent film de John Schlesinger, The Falcon and the Snowman) et Absolute Beginners (le film de Julien Temple dans lequel il campe un personnage de businessman sans vergogne) sont de bonne surprises pour les fans sonnés par Tonight (Never Let Me Down n’est pas encore sorti, heureusement…). Bowie participe au film Labyrinth de Jim Henson dans lequel il joue le rôle de Jareth, sorcier cherchant à troubler l'innocence de Sarah, une belle adolescente paumée dans un dédale de murs, de forêts et d'escaliers en compagnie de gnomes disgracieux et farceurs. Par charité, nous ne commenterons pas le costume et le maquillage infligés à David, mais on est très loin de l'adrogynie électrique de Ziggy Stardust ou de la classe aristocratique du Thin White Duke. Quelques esprits facétieux moquèrent la protubérance de son entre-jambe, c'est dire si son charisme prit cher. Débordant d'énergie, il trouve le temps d'enregistrer des chansons sur la bande originale de ce film destiné à un public enfantin. Ces cinq créations se mélangent aux instrumentaux composés par Trevor Jones. C'est loin d'être enchanteur....

Bowie se perd dans un dédale surproduit de grosse batterie et de synthétiseurs sirupeux, accompagnés de choeurs façon Gospel. Certes, il chante bel et bien, donnant de la voix sans bouder son plaisir, mais on a la sinistre impression qu'il s'égare dans le mauvais disque, une potion amère et carabinée. Underground envoie du lourd (quatorze choristes) et frappe fort avec la complicité de Luther Vandross et Albert Collins, mais ça devient assourdissant, un brin étouffant. Magic Dance fait mal à entendre : déjà The Laughing Gnome n'avait pas fait rire grand monde en son temps, mais Bowie en remet une couche dans le registre grotesque de la chanson avec gnomes (voix accélérées et tout le bastringue). Et le fan de se souvenir de la poésie noire de All de Madmen où Bowie échangeait avec des voix d'enfants perdus...et d'essuyer une larme. Sur la composition Chilly Down, il laisse le champ libre à une équipe de joyeux drilles qu'il guida en studio (une démo circule sur la toile...). Quant à Within You, la musique noie la voix éplorée de David dans des effets lourdingues. Seul rescapé de ce naufrage, le titre As The World Falls Down sauve un peu la mise. Pour cette chanson d'amour, Bowie se grima dans un clip à la manière de Buster Keaton – un de ses acteurs fétiches – pour une belle jeune fille incarnée par l'actrice Charlotte Valandrey. Le chant beau et mélancolique charme un instant avant de disparaître sous les effets d'une musique pompeuse. Envouté, le sorcier Bowie a perdu son mojo légendaire, désenchantant les fans. Vous avez dit Malédiction ?

Créée

le 16 déc. 2023

Critique lue 26 fois

Critique lue 26 fois

D'autres avis sur Labyrinth: From the Original Soundtrack of the Jim Henson Film (OST)

Du même critique

Navalny
Amaury-de-Lauzanne
10

"Qui garde le tyran quand il dort ?"

La mort à 47 ans dans une geôle paumée dans l'Arctique russe, ça vous campe un bonhomme. De retour d'un séjour en Allemagne où il se remettait péniblement d'un empoisonnement du FSB, Navalny choisit...

le 16 févr. 2024

2 j'aime

Gigolo
Amaury-de-Lauzanne
2

Quand Bowie passe de sa navette spatiale au navet spécial....

Après l'extraterrestre TJ Newton tombé sur terre, Bowie campe un gigolo dans le Berlin décadent des années 1930....Sur le papier, ça peut le faire tant Bowie joue de son charme particulier avec...

le 5 févr. 2024

2 j'aime

Chambre 2806 : L'Affaire DSK
Amaury-de-Lauzanne
5

Con comme une bite....

Visiblement habité par la luxure, DSK se prit "les pieds" (hum hum) dans le tapis d'une chambre d'hôtel de New York alors qu'il s'avançait vers une présidentielle en France. Ce progressiste de gôche...

le 24 oct. 2024

1 j'aime

1