2008, et Tryo sortait Ce que l’on sème, leur quatrième album studio. Quatre ans plus tard parait Ladilafé, leur cinquième album (sans compter les live). Qu’en est-il de mes impressions ? Bonnes, mauvaises ? Et bien sans plus tarder, ma petite Gertrude, écoutons.
J’avais été franchement déçu par le précédent album, et j’en parlais dans mon ancien blog, en notant les chansons sur 10. Nous serons cette fois un peu plus concis et loin de ces enfantillages, puisque nous parlerons de Ladilafé de façon plus générale.
Déception
Je pèse mes mots. Je suis fan de Tryo et j’ai toujours été très ouvert à leurs changements et mêmes aux morceaux que j’aimais moins, que ce soit musicalement ou thématiquement. J’avais reproché à Ce que l’on Sème de ne pas oser faire un peu plus que du Tryo et de ne pas aller jusqu’au bout du délire : je regrette. Désormais, le groupe franchit les limites de la pop et ne s’en cache pas. Cela pourra être agréable si ce relent commercial ne sentait pas si fort. D’emblée, on est cueilli comme de jeunes pucelles par l’innommable Greenwashing. Exit le Tryo qui prenait des risques avec des polyphonies parfois jazzy et même des chants à l’unisson. Ici, des choeurs simples qui reviennent sur un refrain ultra répétitif et relou. Un jingle de pub ne ferait pas mieux, d’autant plus qu’on peut oublier les percussions ensoleillées de Daniel Bravo, remplacées en grande partie par un gros battement binaire à la limite de la Dance. Le vomi qui en résulte n’est que très peu compensé par les paroles, un peu plus originales que la moyenne qui, au lieu de tailler et critiquer les cibles habituelles du groupe (médias, politique, entreprises, etc.) nous visent nous mêmes, revenant aux sources de certains morceaux des premiers albums.
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Dans la même veine commerciale, Nous Génération, fleure bon le produit marketing « visons la jeunesse ». La nouvelle jeunesse, qui ne nous connaît pas forcément avec ses valeurs de maintenant qui ne sont plus vraiment celles d’il y a 15 ans. Et ouais, Tryo a vieilli. Et si ça ne se sent pas vraiment d’habitude, lorsqu’ils « s’adressent aux jeunes » et bien là, ça commence à sentir le papy. Dans les autres morceaux imbitables, Mourir la mort, du très grand Christophe Mali (rire jaune) que pourtant j’apprécie, mais qui part parfois dans des délires poétiques qui finissent par devenir bien fades. Rien que le titre, sérieusement : « Mourir la mort ». Oui, ça parle d’euthanasie, et alors ? C’est pas l’originalité et la gravité du sujet qui font la qualité de la chanson !
Au delà des trucs sans saveurs où des « tubes » artificiels, on retrouve quelques morceaux qui auraient pu être plus intéressants, un peu plus engagés, mais qui enfoncent des portes ouvertes aussi grandes que le rectum de Mamie Jocelyne par temps de crise. Je te laisse deviner de quoi parle Printemps Arabe, un véritable cri humaniste et démocratique… niais et qui sera certainement à réécouter dans quelques mois, quelques années, lorsque les hommes placés au sommet des états Tunisiens, Egyptiens and co se révèleront être tout aussi bad guy que ceux qu’ils remplacent. Passons aussi sur le morceau sur Marine Le Pen, Marine est là, succession de lieux communs et de généralités qui sont, en plus, desservis par une mélodie et un arrangement musical peu inspirés.
Ma première écoute a donc été vraiment une source réelle de déception. Mais j’aime Tryo, et je me suis accroché, en me retenant un peu aux branches, chose qui ne m’était jamais arrivé, même lors du précédent album que je qualifiais à l’époque de plus mauvais du groupe. Et, heureusement, le charisme et la voix de Manu, la « bonne » poésie de Mali et l’originalité de Guizmo existent encore. En témoignent mes morceaux préférés : Pas banal, dont le thème est assez original, mais pour lequel je retiendrai surtout l’instru funk/disco qui déchire vraiment ! Paradoxalement, peut-être un de leur tous meilleurs morceaux ever ! Voilà exactement ce que j’attendais de Tryo : garder l’âme du groupe mais aller au delà du simple reggae gentillet des premiers albums. C’est le cas avec ce morceau bien rythmé. De même avec Joe le Trader, surfant sur une généralité, encore une fois, mais, si le thème est facile, la musique mi-reggae mi-musique des îles est vraiment sympa. Ajoutée à ça la voix suaaaave de Manu, et le tout prend vraiment forme : CaliKen kiffe. Les Anciens permet une bonne réflexion sur les grands-parents, le temps qui passe etc, mais n’arrive en aucun cas à la cheville d’autres morceaux sur le même thème, comme Désolé Mémé, des Wriggles, qui est juste ultime. Allez tiens d’ailleurs, je vous le fais écouter.
Les autres morceaux m’excitent peu. Notons tout de même Ladilafé, qui est aussi le titre de l’album (mais ça tu t’en es rendu compte, car tu es souple et soyeux) et qui est un joli hommage à Patricia Bonnetaud, qui avait découvert le groupe et malheureusement aujourd’hui décédée. Un morceau qui ne révolutionne rien mais qui, par son histoire, implique un minimum.
Bref, cet album est, de nouveau pour moi, le moins bon du groupe, sans être non plus à jeter à la poubelle. Cette fois-ci, aucun morceau ne m’envoûte vraiment comme avait pu le faire Poussière d’étoile… Petite peur aussi de voir que le groupe, malgré ses dires, semble emprunter une voie de plus en plus commerciale. On est pas encore dans de la grosse soupe, mais j’ai peur qu’il soit déjà trop tard. Faudra-t-il attendre le prochain album (quatre ans, encore ?) pour avoir confirmation ? Dommage, car le dernier live de Tryo auquel j’ai pu assister, pour Paris Plage, fin Juillet (concert gratuit de quelques titres) était vraiment bien foutu. Espérons qu’il ne s’agisse que d’une étape dans la carrière du groupe…