Ce disque est sorti en janvier 68 quelques jours après la mort accidentelle d’Otis Redding. Tout ce qu’Aretha a sorti pour Atlantic est digne d’éloges et celui-ci en est un joyau impérissable. Après « I never loved a man » et « Aretha arrives » elle enfonce le clou et s’impose définitivement comme LA Queen of soul. Les 10 titres qui composent ce « Lady Soul » sont époustouflants, aucun ne baisse le niveau, comme si à ce moment-là, personne ne pouvait lui arriver à la cheville et tout ce qu’elle touchait se transformer en or (et c’était sans doute le cas !!!). Au-delà de la soul, elle a marqué de son empreinte toute la musique populaire de la 2e moitié du XXe siècle, touchant un public très large, cet album va même cartonner dans les classements pop avec des morceaux géniaux comme « Chain of Fools », « A Natural Woman » et « Since You've Been Gone ». Au niveau de l’équipe qui l’entoure, on ne la change pas vu le succès fulgurant : Jerry Wexler, patron d’Atlantic, est toujours aux commandes, la section rythmique reste d’une efficacité à toute épreuve avec Spooner Oldham aux claviers, Joe South et Bobby Womack à la guitare ainsi que King Curtis au saxo, les chœurs des Sweet Inspirations et de la sœur d’Aretha, Carolyn. Et puis, quelques invités de luxe sont de passage comme Eric Clapton qui apporte une belle touche blues sur l’ardent « Good to Me As I Am to You ». « Chain of Fools » met les choses au point dès les 1ères notes, l’album sera de la soul puissante, avec un rythmique aux petits oignons, une section de cuivres éclatante. Quant à l’interprétation d’Aretha, elle emporte tout sur son passage sur « Niki Hoeky » ou « Since You’ve been Gone » par exemple. Cette soul sans concession est baignée de gospel et de blues bien sûr car ce sont les racines d’Aretha, celles qui coulent dans ses veines depuis son enfance. Le disque est composé de quelques reprises de grands noms de la soul comme le bouillonnant « Money Won’t change You » de James Brown et le trépident « Come Back Baby » de Ray Charles. Les titres les plus enlevés aussi bien que les ballades sont magnifiques, comme ce « Groovin’ » plus apaisé. Sa voix prend toute son ampleur au cours de slows langoureux comme « People Get Ready » composé par le jeune Curtis Mayfield ou l’éblouissant « (You Make Me Feel) Like a Natural Woman ». Enfin, elle met son âme à nu sur le final intense composé par sa sœur Carolyn Franklin, « Ain’t No Way ». « Lady Soul » permet en quelque sorte de faire le deuil de la perte douloureuse de son ami Otis. La reine de la soul semble avoir atteint l’apogée de sa carrière. Pourtant, elle va encore enregistrer une série de très bons albums pour Atlantic dont un « Live at the Fillmore West» et un « Amazing grace » entrés dans la légende. L’heure du déclin ne sonnera qu’au milieu des années soixante-dix. En attendant, Aretha franklin s’impose à vingt-six ans comme la plus grande star de la soul.