Blues primordial
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En 1952 paraît « The Anthology of American Folk Music » qui regroupe des enregistrements plus ou moins obscurs d’artistes de country et de blues datant de la fin des années 20. Parmi eux figurent 2 chansons d’un alors illustre inconnu nommé Mississippi John Hurt. Certains auditeurs avertis, comprenant qu’ils écoutent là quelque chose digne d’intérêt, commencent alors à vouloir en savoir plus mais les États Unis sont un grand pays et les années 20 loin derrière eux. Néanmoins, en 1963, on trouve une autre chanson de John Hurt intitulée Avalon Blues :"Avalon, my home town, always on my mind / Avalon, my home town." (Avalon, mon patelin, toujours dans un coin de ma caboche, Avalon, c’est mon patelin.) Cela donne aux enquêteurs musicologues en herbe de précieux renseignements sur un endroit où commencer leur recherche. Qui est ce John Hurt, est-il toujours vivant ? Ils écument les environs, interrogent les locaux et puis un jour on leur dit : « John Hurt ? C’est peut-être le vieux Smith… Il est là-bas dans le champ, sur son tracteur en train de labourer. Demandez lui. » C’est ainsi qu’on retrouve la trace de John Hurt. En 1963, il a 70 ans. Il était temps ! Le musicologue lui demande s’il chante et joue toujours. John acquiesce, empoigne sa guitare. A son âge, il n’a rien perdu de son art, un subtil finger picking mêlant blues et country, des chansons comme des comptines et berceuses qu’il chante sans jamais forcer ni le trait ni la voix. Ici, on n’est pas dans le blues déchirant du cocu ou du condamné à mort mais plutôt dans des « chansons douces que me chantaient ma maman. » Ainsi née la seconde carrière de l’artiste après son quasi flop des années 20. John enregistrera 3 albums et donnera de nombreux concerts jusqu’en 1966, année où il s’éteindra. A 3 ans près, on serait passé à côté d’un très grand et très humble artiste. John Hurt, c’est la figure du vieux grand-père assis sous le porche devant sa maisonnette, une chaude soirée d’été, une guitare dans les bras. On passait par là, par hasard, comme toujours errant en ce monde et on trouve en John un réconfort, un sursaut de confiance en l’humanité. Avec John, la question « Faut-il séparer l’artiste de l’homme ? » nous semble caduque. John Hurt est un, indivisible. Le bonhomme est bon comme du lait entier, comme du cidre brut, comme le fruit que l’on croque dans l’arbre, toujours meilleur que dans l’assiette car plus près de la source. John, c’est ça, un homme traditionnel, fils d’esclaves, un homme enraciné, les pieds dans la terre, la peau tannée par le soleil, le vent et la pluie, les pognes énormes de 70 ans de travail manuel mais magiquement si délicates sur le manche d’une guitare. John Hurt, c’est l’anti-modernité incarné, l’archétype du vieux sage, du vieux magicien qui aide le héros à accomplir sa quête. Et bien sûr, il réside à Avalon… C’est pourquoi, John Hurt ne sera jamais à la mode, il est éternel, en dehors des modes. Dans cet ouragan de vitesse, de sur-stimulation, de bruits et de fureur qu’est le monde moderne, dans cette tempête sans fin, nous savons que nous pourrons toujours trouver refuge dans l’œil du cyclone, sous le porche de John, assis dans un rocking chair, un verre à la main, par une chaude soirée d’été et que John sera toujours là, une guitare sur les genoux et une chanson aux lèvres.
Lonesome is I, wished I could die / Nobody cares for me.
Seul je suis, je voudrais mourir / Personne ne se soucie de moi.
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